Défense dans le monde - États-Unis : réorganisation du Conseil de sécurité nationale - Nouvelles perspectives pour les SALT
États-Unis : Réorganisation du Conseil de sécurité nationale
Moins d’une semaine après sa prise de fonction, le président Carter remaniait l’organisation du Conseil de sécurité nationale.
Cet organisme consultatif du président pour tous les problèmes touchant aux affaires étrangères et à la sécurité nationale est maintenant sous l’autorité de M. Zbigniew Brzezinski, professeur à l’université de Columbia et maître à penser, par le biais de la « Commission trilatérale », de M. Carter en matière de relations internationales. Le nouveau conseiller spécial du président entend effacer l’empreinte donnée par M. Kissinger à ce Conseil.
Désormais la diplomatie américaine ne sera plus dirigée en secret de la Maison-Blanche mais effectivement conduite du département d’État. Le Conseil de sécurité nationale reprend ainsi sa fonction d’organe consultatif ainsi qu’en témoigne la compétence des nouveaux membres désignés (1), dont la jeunesse laisse par ailleurs présager la créativité et le non-conformisme.
Les quatre fonctions principales du Conseil de sécurité nationale seront de :
– coordonner la politique américaine ;
– transmettre les décisions prises aux différents départements intéressés pour exécution ;
– surveiller le budget de la défense, les systèmes d’armes et les programmes globaux concernant la défense ;
– constituer un « réservoir d’idées » pour le président.
À la place des sept commissions interministérielles que dominait M. Kissinger, le Conseil de sécurité, dont les effectifs sont ramenés de cinquante à trente personnes, ne comprendra plus que deux comités principaux :
– la « Commission d’examen des politiques » qui s’occupera des projets à long terme. Elle comprendra les membres siégeant de droit au Conseil (président, vice-président, secrétaire d’État et secrétaire à la Défense) plus d’autres personnalités du gouvernement selon l’objet de la réunion. Elle sera présidée soit par M. Brzezinski, soit par le président lui-même ;
– la « commission spéciale de coordination » dont les responsabilités porteront sur les crises internationales, les opérations clandestines des services de renseignement ou les incidences des négociations spécifiques telles que les « SALT » (Accord pour la limitation des armes stratégiques). Elle sera présidée par le Conseiller spécial.
Cette réorganisation reflète le désir du président Carter de simplifier et de renforcer l’action des principaux départements de son nouveau cabinet.
Annexe
Les principaux membres du Conseil de sécurité nationale (NSC) des États-Unis
– Zbigniew Brzezinski : 49 ans. Professeur à l’Université Columbia à New York (Relations internationales), spécialiste des pays de l’Est. Fondateur de la « Commission Trilatérale », école de pensée qui préconise une approche nouvelle de la politique mondiale par le rôle clé des pays développés. Conseiller pour les affaires de sécurité nationale.
– David L. Aaron : 38 ans. Sous-directeur du NSC. Ancien membre du NSC sous M. Kissinger. A quitté cette fonction pour devenir, au cours de la campagne présidentielle, le conseiller du vice-président W. Mondale en matière d’affaires étrangères.
– Jessica Tuchman : 30 ans. Docteur en biologie nucléaire. Directeur du bureau « Global Issues » (prolifération nucléaire. ventes d’armes, droits de l’homme, organisations internationales).
– Robert A. Pastor : 29 ans. Professeur à Harvard et ancien directeur de la commission sur les relations latino-américaines. Responsable des affaires sud-américaines.
– William Quant : 31 ans. Ancien membre du conseil sous M. Kissinger, actuellement professeur à l’université de Pennsylvanie. Responsable des affaires du Proche-Orient.
– Michaël Oxenberg : Professeur à l’université du Michigan. Responsable des affaires chinoises.
– Michaël H. Armacost : 33 ans. Docteur à l’université de Columbia. Responsable des affaires japonaises.
– William J. Hyland : Ancien sous-directeur du NSC, et principal conseiller de M. Kissinger en affaires soviétiques et armements stratégiques. Responsable des affaires européennes.
Nouvelles perspectives pour les SALT
Depuis la signature des accords SALT I en 1972, les négociations ont piétiné car, d’emblée, les objectifs américains et soviétiques pour SALT II sont apparus difficilement conciliables, chacun des deux pays cherchant à préserver les avantages obtenus et à neutraliser les efforts adverses.
Cependant, l’expiration en octobre 1977 de l’accord provisoire sur les armements offensifs (2), les premières déclarations de bonne volonté du président Carier ainsi que l’écho favorable qu’elles ont suscité à Moscou sont autant de facteurs qui permettent de penser que tout sera mis en œuvre, tant du côté soviétique qu’américain, pour qu’un nouvel accord SALT soit signé dans le courant de cette année.
Sans préjuger de la démarche politique que le président Carter entend suivre dans les prochaines négociations, il est cependant possible, en se référant à ses premières déclarations, de dégager les aspects généraux d’une philosophie visant un désarmement nucléaire total.
La première étape pourrait être la signature d’un accord sur les bases déjà étudiées à Vladivostok en 1974 entre les présidents Ford et Brejnev (3).
Cela sous-entend qu’entre autres, les problèmes du Backfire soviétique et du missile de croisière américain soient résolus.
Certaines sources font état d’un accord auquel seraient parvenues les délégations américaine et soviétique sur les principes suivants :
– les États-Unis accepteraient de ne pas considérer le Backfire comme un bombardier stratégique sous certaines réserves de ravitaillement en vol et de stationnement ;
– tout cruise missile lancé d’avion et d’une portée supérieure à 2 500 km ainsi que tout cruise missile naval de plus de 550 km de portée seraient considérés comme vecteurs stratégiques.
Ce premier pas franchi, il est possible d’envisager que le président Carter, fidèle à ses grands principes de non-prolifération de l’arme nucléaire et soucieux de montrer l’exemple, cherche à poursuivre sa démarche en proposant un nouveau plafond nettement inférieur à celui de Vladivostok.
Le bilan comparatif des forces stratégiques des États-Unis et de l’Union soviétique fait apparaître un net avantage américain en nombre d’impacts (8 500 contre 3 200) mais souligne la supériorité soviétique en mégatonnage (4 000 MT contre 2 000). Toute réduction symétrique ne ferait qu’accentuer les inégalités déjà existantes et entraînerait à coup sûr une révision de la politique de dissuasion des deux super-grands.
Abandonnant la notion actuelle de « riposte graduée » qui repose sur la possession d’un grand nombre de missiles très diversifiés, en puissance et en précision, la stratégie des États-Unis se fonderait à nouveau sur le recours à des représailles massives.
Un tel changement de doctrine risquerait de heurter une opinion publique sensibilisée par tous ceux qui affirment que l’Union soviétique ne cherche pas à acquérir la parité atomique mais plutôt la capacité de gagner une guerre nucléaire. La controverse actuelle sur l’état des forces soviétiques ne peut qu’inciter à la prudence à cet égard.
L’accession effective de l’Union soviétique à la parité atomique renforce le président américain dans sa volonté d’un désarmement nucléaire plus généralisé.
Mais si le moment semble favorable pour négocier avec les Soviétiques, la crainte des Européens d’une plus grande vulnérabilité face à la supériorité des forces classiques soviétiques, comme les reproches de certains « faucons » américains de sacrifier la sécurité des États-Unis sur l’autel de la détente ou de rechercher trop systématiquement des économies budgétaires constituent encore de sérieux obstacles.
Le président Carter en est conscient quand il déclare « qu’il ne s’attend pas à voir les armements nucléaires disparaître complètement sous son administration ni même pendant sa vie ». ♦
(1) Voir en annexe : les principaux membres du Conseil de sécurité nationale.
(2) Aux termes de cet accord, valable pour cinq années, il est prévu essentiellement :
– la limitation du nombre des engins balistiques intercontinentaux (ICBM) ; 1 054 pour les États-Unis; 1 618 pour l’URSS;
– la limitation du nombre d’engins balistiques lancés de sous-marins (SLBM) ; 710 lanceurs de missiles sur 44 sous-marins pour les États-Unis ; 950 lanceurs sur 62 sous-marins pour l’URSS.
(3) Les Américains et les Soviétiques admettraient un plafond commun de 2 400 vecteurs offensifs (ICBM-SLBM-bombardiers lourds) dont 1 320 mirvés (comportant des véhicules de rentrée multiples à trajectoires balistiques indépendantes).