Outre-mer - Le conflit de l'Ogaden (Sud-Est de l'Éthiopie) : une impasse diplomatique, un coup de semonce pour Addis-Abeba - Le Kenya devant la reprise de la tension éthio-somalienne
Alors que la saison des pluies commençait à Addis-Abeba, éclatait dans le sud-est de l’Éthiopie une série d’événements suffisamment graves pour mettre en cause toute la stabilité de la corne de l’Afrique. Les succès remportés subitement dans l’Ogaden par une rébellion vigoureusement secondée par la Somalie ne constituent pas seulement un défi aux forces régulières éthiopiennes : ils posent à nouveau la question des frontières ; ils ont précipité l’évolution politique du régime militaire d’Addis-Abeba ; enfin ils ont eu des répercussions diplomatiques qu’on ne saurait négliger. À ces raisons d’intérêt s’ajoutent les incertitudes de l’avenir. On se bat pour un désert, depuis toujours abandonné au nomadisme, mais il ne s’agit pas seulement du sort des pasteurs somalis. L’enjeu est d’une tout autre taille.
Ne nous attardons pas sur le déroulement des opérations. Elles restent assez confuses et la guerre des communiqués a bien souvent estompé la réalité sur le terrain. Tenons compte du fait qu’en quelques semaines la rébellion a soustrait toute cette région au contrôle des autorités d’Addis-Abeba. Le Front de libération de la Somalie occidentale (FLSO) qui s’arroge cette victoire a incontestablement bénéficié du soutien logistique de la Somalie. A-t-il été en outre épaulé par une intervention directe des forces de Mogadiscio ? On le proclame à Addis-Abeba mais cela semble moins sûr. Dans le conflit érythréen le Soudan n’a jamais commis l’imprudence de lancer ses propres troupes : il est fort improbable que la Somalie ait jugé bon d’agir différemment dès lors que le succès pouvait être à portée de la main en armant des maquisards et en tirant parti du vif mécontentement des populations locales contre l’autorité centrale. Mogadiscio a donc probablement laissé faire le FLSO, un mouvement créé en 1975, il y a donc peu de temps et certainement en vue d’une telle opération.
Toujours est-il que le soulèvement a surpris les autorités militaires d’Addis-Abeba qui ont subi revers sur revers. Le président du Deurg (le directoire militaire éthiopien), le colonel Menguistu Hailé Mariam a du reste reconnu la gravité de la situation. Dans un premier temps en faisant appel à l’Organisation de l’unité africaine (OUA), puis en décrétant, le 20 août, la mobilisation générale. Huit jours plus tard une commission révolutionnaire était mise sur pied pour superviser cette levée en masse. Ses pouvoirs sont des plus étendus puisqu’elle doit non seulement coordonner la mobilisation mais encore assigner aux populations leur rôle et aux instruments de production leurs tâches. Cette commission est placée sous la présidence du chef de l’État. Quels sont les effectifs qui viendront grossir l’armée éthiopienne ? On l’ignore. Au moment où les autorités militaires prirent cette décision, l’Éthiopie avait déjà quelque deux cent mille hommes sous les armes. À l’armée régulière, forte de cinquante mille hommes, étaient venues s’adjoindre les milices paysannes puis les milices ouvrières. D’insurmontables difficultés se présentaient alors pour armer convenablement ces troupes, au demeurant assez peu préparées au combat. Qu’en sera-t-il avec la mobilisation en cours ? Ce n’est pas le moindre des obstacles que la junte ait à surmonter.
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