La défense nationale dans la conception roumaine
Originale et indépendante dans les orientations de sa politique extérieure, la Roumanie d’aujourd’hui ne l’est pas moins dans la conception de sa défense. C’est ce que rappelle cet ouvrage récemment paru aux éditions militaires à Bucarest.
Le concept roumain de défense procède d’une double filiation :
– il se rattache d’abord et surtout au socialisme marxiste-léniniste, qui fait de la défense des conquêtes du prolétariat un article de foi ;
– il s’inscrit d’autre part dans la tradition nationale roumaine, riche de faits d’armes et d’actions de résistance armée qui ont contribué à préserver la personnalité de ce pays au cours d’une histoire agitée.
De cette filiation et de l’analyse des conditions locales découle le choix de la seule forme de guerre que la Roumanie soit en mesure d’envisager : il s’agit de ce que les auteurs appellent la « lutte populaire ». Pouvant revêtir des formes diverses allant de la résistance passive à l’insurrection généralisée, cette lutte s’appuie sur des môles naturels de résistance constitués par les réduits montagneux de la chaîne carpatique et des monts Apuseni. Une telle forme de défense a évidemment un caractère global et mobilise toutes les forces vives de la nation. Elle est surtout un processus continu qui commence dès le temps de paix et se poursuit sans hiatus en temps de crise ou de guerre.
Les composantes de la défense analysées dans l’ouvrage sont celles qui ont été définies par la loi de décembre 1972 (Loi n° 14/1972). Ce sont :
• l’armée : en dehors de ses grandes unités organisées selon le modèle soviétique, elle dispose de forces originales, les chasseurs de montagne, avant pour rôle de tenir les réduits de résistance évoqués plus haut ;
• les forces du ministère de l’Intérieur : milice (équivalent à la fois de notre gendarmerie et de notre police urbaine) et troupes de sécurité (équivalent de nos CRS et gendarmes mobiles), chargées d’assurer la cohésion indispensable de la population ;
• les gardes patriotiques : ouvriers, paysans, étudiants – hommes et femmes –qui sont organisés en unités disposant d’armement léger et régulièrement entraînées, chargées de défendre sans idée tactique majeure leur usine, leur ferme ou leur quartier. Ils sont « le peuple en armes » ;
• la défense locale antiaérienne : elle groupe les formations de défense civile chargées de la protection des personnes et des biens contre les effets des armes de destruction massive et des armes conventionnelles ;
• la préparation militaire : elle vise à préparer tous les citoyens aux tâches de défense.
Dans le domaine de la défense, comme dans tous les autres, le rôle directeur revient bien entendu au parti, seul détenteur de la légitimité, puisqu’il cristallise « les aspirations du peuple roumain à une vie libre, indépendante et souveraine ». Cette prééminence du parti communiste roumain se retrouve d’ailleurs à tous les échelons subordonnés, tous les conseils locaux (départementaux, urbains, communaux) de défense étant présidés par les premiers secrétaires du parti aux niveaux correspondants.
Le style de cet ouvrage peut déconcerter le lecteur occidental peu familiarisé avec le vocabulaire marxiste-léniniste, fait d’expressions stéréotypées. Il est d’autre part assez touffu et comporte de nombreuses redites. Mais il exprime néanmoins des concepts intéressants, qui s’écartent notablement des vues soviétiques en cette matière. Plus encore, il ne comporte aucune référence explicite au Pacte de Varsovie, que la Roumanie a pourtant reconduit tacitement en mai 1975… ♦