Outre-mer - L'insoluble problème du Sahara occidental et ses répercussions internationales - Une étrange initiative du Canada : créer un « Commonwealth francophone »
L’évolution du problème du Sahara conduit actuellement à un véritable imbroglio diplomatique dont on ne peut saisir les fils que si l’on se rappelle les données fondamentales de l’affaire. Celle-ci a une double origine : la volonté du roi Hassan de consolider son pouvoir en mettant dans son jeu les tendances nationalistes de l’opposition marocaine, notamment celles de l’Istiqlal ; la crainte éprouvée par l’Algérie de n’être plus, si le Maroc conserve les richesses minières du Sahara occidental, la principale puissance du Maghreb. Sans la première donnée, le problème des Sahraoui ne se serait pas posé de la même façon puisque la partition n’aurait pas eu lieu ; sans la seconde, les activités de guérilla n’auraient pas pu se développer et l’on ne parlerait pas plus des malheureux Sahraoui que des autres tribus africaines soumises aux caprices d’une ethnie qui a profité seule des bienfaits de l’indépendance. La partition d’une ancienne dépendance européenne sans consultation de la population intéressée aurait toutefois posé un problème nouveau à la communauté africaine ; mais ce problème n’aurait fait l’objet que de débats académiques si cette population n’avait pas reçu une aide extérieure pour manifester son mécontentement. Autrement dit, la crise au Sahara n’existe qu’en raison de la rivalité algéro-marocaine. En se prolongeant, elle a eu pour première conséquence d’accentuer les divergences idéologiques qui consacrent l’existence de cette rivalité.
Sur le plan intérieur d’abord. L’Algérie et le Maroc se sont dotés en 1976 d’institutions exemplaires. On sait que la première a adopté en novembre 1976, par 99,18 % des suffrages exprimés en référendum, une constitution de type socialiste, renforçant les pouvoirs du président de la République ; des élections à la présidence et à l’assemblée populaire nationale ont eu lieu, un nouveau gouvernement a été constitué. Bien que ces textes et scrutins mettent fin au régime exceptionnel sous lequel vivait le pays depuis le 19 juin 1965, le FLN par défaut d’enracinement, ne constitue pas encore le pilier fondamental de l’État, rôle qui demeure le privilège de l’Armée nationale populaire. Fortement politisée, l’ANP perd en valeur combattante ce qu’elle gagne en efficacité politique, du moins en ce qui concerne les échelons supérieurs du commandement. Le pays, qui souffre d’une crise économique qu’il s’explique mal, a tendance à reporter sur l’aide que l’État est soupçonné d’accorder au Polisario la cause de ses ennuis : en réalité, les difficultés proviennent pour une part des déséquilibres provoqués par les désordres que connaît l’économie mondiale et pour une autre part par l’adoption, en 1966, d’un développement fondé sur la création d’une industrie lourde aux dépens d’investissements moins concentrés et plus immédiatement productifs. Par ailleurs, le malaise social est en grande partie né des disparités existant entre les salaires du secteur étatisé et ceux notamment de la fonction publique. La classe moyenne, que le pouvoir aurait voulu purement technocratique, se crée malgré tout sur des bases capitalistes mais n’investit qu’à l’étranger ; elle devient un élément d’opposition active, aspirant à bénéficier d’un régime analogue à celui des bourgeoisies marocaine ou tunisienne, opposition que la désillusion des ouvriers et des paysans peut rendre dangereuse.
Pendant ce temps, le Maroc remettait en place la Constitution de 1973 fondée sur le pluripartisme ; les scrutins pour désigner les assemblées municipales, les assemblées préfectorales et provinciales, l’assemblée législative ont vu, de novembre 1976 à juin 1977, la confrontation des trois principaux partis : les Indépendants (M. Ahmed Osman, Premier ministre), l’Istiqlal (M. Boucetta), l’USFP (Me Bouabid). Au Parlement, le premier obtint 114 sièges sur 176, le second 45, le troisième 16, le cent soixante-seizième siège revenant au secrétaire général du Parti communiste, M. Ali Yata, élu à Casablanca. Une telle démonstration de démocratisme parlementaire, exemplaire pour les autres pays africains, n’aurait pu se faire sans la crise algéro-marocaine, née du problème sahraoui. Les partis d’opposition, qui jusqu’alors refusaient de présenter des candidats à des élections qu’ils estimaient « truquées », ont accepté de jouer le jeu. 8 membres de l’Istiqlal, pourtant minoritaire à l’Assemblée, participent même au nouveau gouvernement de M. Ahmed Osman, dans lequel M. Boucetta détient le portefeuille des Affaires étrangères. Le successeur de M. Allai el Fassi, chantre du « Grand Maroc », n’est certainement pas homme à accepter des compromis dans l’affaire sahraoui. Il n’en est pas moins vrai que cette affaire continue à coûter cher à un pays dont les finances publiques et la balance des paiements ne s’équilibrent pas sans l’aide étrangère et qui subit, n’étant pas lui-même producteur, les conséquences de l’augmentation des produits pétroliers. L’initiative privée, fondée sur le capital local ou international, permet toutefois de pallier, mieux qu’ailleurs, les insuffisances de l’État ; car elle est protégée, elle aussi, par les effets actuels de la crise sahraoui sur la stabilité politique du pays.
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