La conception d'un État rhénan
Depuis la disparition du Saint-Empire romain germanique, l’Allemagne a subi, en moins de cent cinquante ans, quatre remaniements fondamentaux qui suffisent à marquer l’instabilité et la précarité de son assemblage politique.
Les deux premiers remaniements sont d’origine externe : la construction napoléonienne a détruit tout pouvoir central, mais remembré l’Allemagne en simplifiant sa contexture ; le Congrès de Vienne a procédé à un nouveau découpage artificiel et donné à l’Allemagne la forme confédérale, qui a duré un peu plus d’un demi-siècle. Les autres remaniements sont d’origine interne : la fondation du Reich bismarckien s’est faite sur la base du fédéralisme, atténué après 1919 par la centralisation weimarienne ; le troisième Reich a scellé pour douze ans la victoire de l’unitarisme. Aujourd’hui, après l’effondrement total du Grand Reich s’offre l’occasion d’un nouveau remaniement, dans des conditions extraordinairement propices : il n’y a plus de Reich, il n’y a plus d’Allemagne, mais un « corps germanique » amputé à l’est, ruiné, détruit, écartelé et désemparé ; les Alliés victorieux sont devant un néant matériel et moral. L’avenir de ce corps germanique est entre les mains des vainqueurs. À eux seuls appartient le choix entre trois solutions possibles : restauration de l’unité ; reconstitution du fédéralisme ; partage de l’Allemagne. Quelle que soit la solution destinée à l’emporter, aucune n’exclut la nécessité de l’existence d’un État rhénan. Même dans l’éventualité — que la France cherche à écarter — de l’établissement d’une administration centrale de l’Allemagne, n’est-il pas envisagé de placer sous un régime spécial la région rhénane et westphalienne ? A fortiori si l’une ou l’autre des deux autres solutions devait prévaloir. Aussi ne peut-on, désormais, tenter de traiter le « problème allemand » sans concevoir — avec plus de clarté qu’on ne le fait généralement — ce que devrait être, géographiquement et politiquement, cet État rhénan.
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