Institutions internationales - Les « Casques bleus » au Liban - Compromis à Bruxelles - L'anarchie de la mer
Alors qu’en dépit de l’opposition de certains gouvernements arabes et des Palestiniens à un accord avec Israël, les entretiens Sadate-Begin avaient fait naître l’espoir d’un retour à la paix au Moyen-Orient, le conflit s’est rallumé dans des conditions et sous des formes telles qu’il a pris, une nouvelle fois, une dimension internationale. Le Conseil de Sécurité de l’ONU a, à la demande du gouvernement libanais, décidé d’intervenir par l’envoi d’une « force intérimaire » – les « casques bleus » – qui, par sa seule présence, devrait séparer les belligérants (comme, en d’autres temps, au Congo et aux frontières égypto-israéliennes) alors qu’en Corée l’ONU était intervenue contre l’agresseur.
Les « casques bleus » au Liban
Le 19 mars, le Conseil de Sécurité a adopté une résolution, présentée par les États-Unis, dont le paragraphe 3 définissait les objectifs de son intervention. Le Conseil « décide, compte tenu de la demande du gouvernement libanais, d’établir immédiatement, sous son autorité, une force intérimaire des Nations unies pour le Sud-Liban aux fins de confirmer le retrait des forces israéliennes, de rétablir la paix et la sécurité internationales et d’aider le gouvernement libanais à assurer la restauration de son autorité effective dans la région, cette force étant composée de personnels fournis par les États membres de l’Organisation des Nations unies ». Des troupes françaises ont été mises à la disposition du Secrétaire général de l’ONU, cette décision possédant une signification qui ne saurait être sous-estimée. Pour la première fois la France s’est trouvée appelée à faire participer son armée, aux côtés d’unités de l’Iran, de la Norvège et du Népal, à une opération de cette nature et, qui plus est, au bénéfice d’un pays avec lequel elle entretient des liens anciens et chaleureux. C’est aussi la première fois qu’un membre permanent du Conseil de Sécurité était admis à envoyer des contingents militaires dans une force de l’ONU chargée du maintien de la paix. Certes, la France entretenait déjà, tant au Sud-Liban que dans le Sinaï, des observateurs chargés de surveiller la trêve. Mais il s’agissait d’une dizaine d’officiers et non d’unités constituées susceptibles de jouer un rôle militaire. Jusqu’alors, les forces des membres permanents du Conseil de Sécurité étaient exclues des opérations de maintien de la paix proprement dites : elles étaient jugées trop engagées d’un côté ou de l’autre. L’appel à des unités françaises peut, à cet égard, être considéré comme un hommage rendu à l’impartialité de la politique de Paris. Cet envoi de « casques bleus » a marqué aussi une évolution sensible de la politique française à l’égard des Nations unies. M. Giscard d’Estaing se rendra le 25 mai aux Nations unies pour exposer son plan de désarmement, ce que n’aurait probablement pas fait le général de Gaulle. Mais, depuis la première intervention d’envergure d’une force des Nations unies dans l’ancien Congo belge, au début des années soixante, la nature de l’Organisation internationale s’est modifiée. Les États-Unis exerçaient alors sur elle une prépondérance incontestable et son action en Afrique avait pour effet de gêner l’influence française. Aujourd’hui, ce sont les pays du Tiers-Monde qui jouent un rôle essentiel, et en leur apportant le concours de la France, le Président de la République a confirmé que le mondialisme était le moteur essentiel de sa politique. L’intervention de « casques bleus » français comporte un autre aspect. La France dut renoncer au Liban en 1946 sous la pression des Nations unies. Lors des troubles de 1958, qui conduisirent au débarquement des « marines » américains, le général de Gaulle avait cherché à marquer une présence française. En 1967, au lendemain de la guerre « des Six jours », il avait envisagé l’envoi de « forces de paix » des Quatre Grands dans les divers pays du champ de bataille, la France recevant le soin de protéger le Liban. Lors de la guerre civile libanaise de 1976, M. Giscard d’Estaing avait indiqué que la France était prête à dépêcher un contingent qui s’interposerait entre les combattants s’ils en étaient d’accord. Finalement, c’est dans un autre contexte que cette disposition a, en mars, été mise en œuvre.
Compromis à Bruxelles
À la veille de ce rebondissement du conflit du Moyen-Orient, la Communauté européenne a connu une nouvelle crise de l’« Europe verte ». Pour des raisons liées aux tensions monétaires, la France a demandé d’une part le blocage des « montants compensatoires » à 21,5 % jusqu’aux élections législatives, d’autre part la révision des modes de calcul de ces montants sur certains produits. En fait, la discussion dépassait le cadre de ces produits et même de cette conjoncture. Les intérêts commerciaux en jeu sont considérables pour les pays à monnaie forte. En quittant le « serpent » monétaire européen et en liant plus ou moins le sort du franc à celui du dollar, Paris n’a pas tenu compte, depuis mars 1976, du fait que les deux tiers au moins de son commerce agricole se font avec les pays européens, en particulier ceux qui ont une monnaie forte. Elle devait donc, théoriquement, soit dévaluer le « franc vert », soit accepter le relèvement des montants compensatoires. Le 7 mars, la France a accepté une dévaluation de 1,2 % du « franc vert » et, en échange, les Neuf se sont engagés à modifier le calcul des montants compensatoires sur le porc. Les agriculteurs français étaient ainsi à l’abri d’une « glissade » du franc à la veille des élections. Mais le problème des montants compensatoires n’a pas été réglé pour autant. Dès le début du Marché commun, la France a lutté pour que l’Europe soit un seul marché agricole : elle ne pouvait mettre en valeur sa richesse terrienne que si les autres pays acceptaient d’acheter ses produits et de les payer à des cours permettant aux agriculteurs de « vivre », donc souvent supérieurs à ceux des marchés mondiaux. Des mécanismes de soutien des prix ont donc été établis sur la base de prix décidés chaque année en commun pour chaque produit. À partir de 1969 des dévaluations, puis le flottement des monnaies ont perturbé le système. Les montants compensatoires ont eu pour objet de combler l’écart entre la « monnaie verte » et le cours de change réel. Ils devaient être provisoires et, au bout de deux ou trois ans, remplacés par un ajustement du taux des « monnaies vertes » qui devait rejoindre le cours réel des monnaies. En fait, par crainte, soit d’augmenter le coût de la vie, soit de diminuer le prix versé aux agriculteurs, on a retardé cet ajustement, et les chroniques montants – association d’une taxe à l’exportation et d’une subvention à l’importation – sont devenus une part très importante du prix des produits. Certes, les échanges ont été maintenus, mais deux graves problèmes se posent aujourd’hui. D’une part, le taux du « franc vert » n’est pas favorable aux agriculteurs parce que, pour lutter contre la hausse des prix, le gouvernement français a empêché les prix agricoles de monter aussi vite que le franc a baissé. D’autre part, à force de pratiquer des prix agricoles inférieurs trop hauts pour les pays qui ont réévalué, trop bas pour ceux qui ont dévalué, on a faussé les structures de production : ceux qui vendent cher investissent davantage, au détriment des autres. De 1973 à 1976, les ventes agricoles françaises dans la Communauté ont augmenté de 40 %, mais ce chiffre est nettement inférieur à celui de nos partenaires : les exportations agricoles de l’Allemagne ont augmenté de 80 %, suivies de près par celles de l’Italie, des Pays-Bas et de la Grande-Bretagne. La balance commerciale française s’en est trouvée nettement détériorée. Aussi bien apparait-il qu’une solution devra être trouvée aux incohérences des montants compensatoires.
Il reste 38 % de l'article à lire
Plan de l'article