Défense à travers la presse
Engage-t-on l’adversaire à plus de retenue en choisissant soi-même la modération ? C’est apparemment l’avis du président Carter et la justification qu’il veut donner à sa décision de surseoir à la fabrication de la bombe à neutrons. Pour les États-Unis, ce choix est d’autant moins grave qu’il n’affecte pas la sécurité de leur propre territoire. Il n’en va pas tout à fait de même pour les alliés européens de Washington et certains d’entre eux espèrent que le chef de la Maison-Blanche modifiera son attitude. La chose n’est guère probable pour l’instant, et s’il devait en être ainsi nul doute que le Kremlin accuserait alors le président Carter d’agressivité après l’avoir soupçonné de duplicité.
Depuis que la décision américaine a été rendue publique, les commentaires n’ont pas fait défaut dans la presse occidentale. Les tenants de la bombe N ne cachent pas leur irritation et cherchent à tirer la leçon pratique de leur désappointement, les adversaires restent sur leurs gardes, comme les communistes ou ces pacifistes des Pays-Bas qui entendent poursuivre leur campagne de pétitions. Mais la réaction la plus intéressante a sans doute été fournie par G. Guerassimov de l’agence soviétique Novosti (29 avril). Faisant référence aux avantages de la bombe N lorsqu’il s’agirait de résister à une attaque de chars, il écrit : « En réalité, les créateurs de la bombe à neutrons étaient loin, au début, de penser aux chars. Cette arme a été étudiée pour les besoins de la défense antifusées. Jusqu’à présent l’ogive à neutrons est une arme dont la fonction n’a pas encore été définie… À notre avis, il convient de discuter non pas de l’utilisation tactique de l’arme à neutrons et de ceux qui en ont besoin ou non. Le dialogue doit se tenir à un niveau stratégique et politique. Ce dialogue sur la nécessité d’un tel appoint aux arsenaux nucléaires doit non seulement s’établir sur des considérations humanitaires mais aussi sur les conséquences éventuelles de l’abaissement, grâce à cette arme, de ce que l’on appelle le seuil nucléaire qui autorise la conception d’une guerre limitée en Europe. Cette conception suppose que l’adversaire se guidera sur des règles de conduite recommandées par l’autre partie. Combattre pour ainsi dire avec des gants, subir les attaques neutroniques et s’abstenir de répondre par des moyens atomiques. Il peut résulter de ces illusions que l’arme à neutrons serve d’amorce à la guerre nucléaire en Europe ».
Pour G. Guerassimov, la bombe N ne peut et ne doit pas être cataloguée parmi les armes tactiques, d’abord parce qu’il la considère essentiellement comme un engin stratégique, ensuite parce que les responsables soviétiques ne sont aucunement disposés à la subir comme un simple obstacle du champ de bataille. Ce dernier point correspond du reste à l’avis du général Gallois qui, loin de considérer cette arme comme appartenant à l’arsenal stratégique moderne, la qualifie d’arme « de la Seconde guerre mondiale ». Dans Le Quotidien de Paris (19 avril) il met en doute l’efficacité d’un déploiement de la bombe N :
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