World Armaments and Disarmament
Placé sous la direction du Dr Frank Barnaby (Royaume-Uni), le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI) est un organisme indépendant qui se consacre à la recherche sur les problèmes du désarmement. L’Institut est financièrement soutenu par le Parlement suédois. Son état-major, son bureau directeur et son conseil scientifique font appel à la collaboration de chercheurs de nationalités diverses : son bureau directeur compte deux Suédois, un Britannique, un Norvégien, un Tchécoslovaque, un Hollandais.
L’annuaire qu’édite l’Institut implique le dépouillement d’une littérature politico-militaire d’une ampleur considérable. Il est devenu, au fil des ans, depuis 1966, un ouvrage de référence faisant autorité. L’Institut publie également de nombreuses monographies sur des problèmes particuliers tels que la guerre chimique et biologique, les armes nucléaires tactiques, l’utilisation militaire de l’espace extraterrestre, etc.
La publication de l’annuaire 1978 a été avancée de quelques mois pour intervenir avant l’ouverture de la session spéciale de l’Assemblée générale des Nations unies consacrée à la question du désarmement.
L’annuaire comprend trois grandes parties avec au total 16 chapitres complétés par de nombreuses tables et figures. La première partie présente les événements intervenus en 1977, la seconde les développements des armements à l’échelle mondiale, la troisième les progrès et les résultats obtenus en matière de contrôle des armements et de désarmement. Quels faits saillants retenir de cet ensemble ?
Tout abord les rédacteurs du SIPRI Yearbook estiment que les dizaines de milliers d’armes nucléaires aujourd’hui répandues à travers le monde représenteraient en capacité destructive celle de 1 000 000 de bombes du type de Hiroshima, de quoi détruire instantanément la plupart des agglomérations de l’hémisphère Nord avec leurs habitants !
L’annuaire souligne que la Conférence du Comité du désarmement de Genève n’a abouti à aucun traité en 1977. Les membres participants se plaignent d’y être mis devant le fait accompli de projets tout prêts, élaborés bilatéralement par les États-Unis et l’URSS. D’où la recherche de nouvelles voies pour parvenir à un désarmement effectif et, à défaut de pouvoir mettre sur pied une conférence mondiale vouée à cette fin, l’accord qui s’est fait pour y consacrer une session spéciale de l’Assemblée générale des Nations unies.
Entre-temps, les deux Grands ont encore accru les possibilités de leurs armes nucléaires en améliorant la précision de leurs armes stratégiques et en développant des modèles d’Intercontinental Balistic Missile (ICBM) mobiles, qui viennent compliquer les négociations SALT.
Les auteurs voient également dans les projets de production de la bombe à neutrons l’indication d’une influence croissante de ceux qui pensent en termes de guerre nucléaire effective et ils craignent que la production de cette arme ne constitue un encouragement à la prolifération d’armes nucléaires pour des États qui n’en sont pas encore dotés.
À leur avis, un traité SALT II semblable à celui qui servirait actuellement de projet aux deux parties ne changerait pas grand-chose aux projets d’accroissement déjà planifiés de leurs arsenaux nucléaires. Le test majeur des SALT sera leur effet sur la course qualitative plutôt que sur la course quantitative aux armements nucléaires.
Notons encore que les rédacteurs estiment que la plupart des nations industrialisées du Tiers-Monde sont techniquement capables de produire avec leurs propres moyens des missiles de croisière plus ou moins précis. Leur prolifération pourrait ainsi s’avérer comme l’une des conséquences les plus importantes du développement de la technologie militaire.
Retenons encore ces chiffres : 75 % des satellites lancés sont à usage militaire. Sur 133 lancés en 1977, 95 rentraient dans cette catégorie ; parmi eux, 82 appartenaient aux Soviétiques, 12 aux États-Unis et à l’Otan.
Les dépenses d’armement mondiales atteignent moins de 400 milliards de dollars. Elles ont doublé entre les années 50 et les années 70. Sur ce total, la part du Tiers-Monde s’est fortement accrue : celle du Moyen-Orient a quadruplé. Le commerce international des armements, soulignent les auteurs du SIPRI Yearbook, constitue le danger majeur pour la paix du monde, plus grand encore que la course aux armements américano-soviétiques, 75 % du commerce des armes s’effectuant avec le Tiers-Monde.
À signaler spécialement dans cet annuaire aux chapitres du plus haut intérêt et particulièrement bien documentés sur les satellites militaires et la course aux armements dans l’espace.
Qu’il nous soit cependant permis de regretter une fois de plus que ce très remarquable ouvrage – indispensable à toute étude sérieuse des grands problèmes d’armement et de désarmement – ne comporte pas une édition française. ♦