Institutions internationales - Les « Neuf » et leurs difficultés - Sécurité collective en Afrique ? - Nouvelles perspectives pour le désarmement
Le 12 mai, les ministres de l’Agriculture des neuf membres de la Communauté ont réussi à trouver un accord sur les prix agricoles, mais, une nouvelle fois, au terme d’un véritable marathon. Leurs discussions ont mis en lumière la nécessité d’un renforcement de « l’Europe verte ». La France veut aligner en trois ans, par des dévaluations successives du franc vert, les prix agricoles français sur les prix communs. Mais cette opération n’a de sens que si elle n’est pas compromise par de nouvelles chutes du franc, et la tentative est d’autant plus délicate que le rattrapage rend cette défense de la monnaie difficile, puisqu’il est par nature inflationniste. Reste que si M. Barre gagne son pari, il se trouvera en meilleure position pour négocier à Bruxelles et orienter la politique agricole commune. Une fois de plus, la France a dû gaspiller sa force de persuasion sur des affaires circonstancielles et somme toute subalternes, en subissant les effets pervers du décalage entre ses prix agricoles et ceux des pays à monnaie forte. Rejoindre, au moins sur le terrain agricole, le camp des « forts » et retrouver ainsi une plus grande liberté de manœuvre ne sera pas superflu dans une Europe verte de moins en moins intégrée et, par là même, bien difficile à gérer. La Communauté, pour avoir voulu trop se hâter en limitant à cinq ans la période de transition, n’a pas encore « digéré » son passage de six à neuf. On le voit sur le plan agricole, où la Grande-Bretagne, par exemple, vit en état de dérogation quasi généralisée. Cette tendance ne pourra évidemment que s’accentuer en cas d’élargissement, les trois pays candidats ayant des économies agricoles encore teintées de sous-développement. Les aléas que comporte pour l’Europe verte la perspective de l’adhésion de la Grèce, du Portugal et de l’Espagne sont d’autant plus grands que les Neuf ne semblent pas, politiquement, capables de réaliser un rééquilibrage sérieux, ordonné et efficace de leur politique agricole au profit des régions méditerranéennes de l’actuelle Communauté.
C’est dans la perspective de cet élargissement que le Portugal vient de passer sous le contrôle du Fonds monétaire international. La Banque du Portugal va bénéficier d’un crédit de 57,35 millions de droits de tirage spéciaux (DTS), soit environ 50 millions de dollars. Mais le véritable « ballon d’oxygène » attendu par l’économie portugaise est le prêt de 750 millions de dollars accordé par un consortium international qui attendait le feu vert du FMI. Celui-ci l’a donné, mais le gouvernement portugais a dû accepter les recettes chirurgicales de cette institution, qui ne tient pas toujours compte des conditions spécifiques de chaque pays. Les mesures en cause – réduction considérable du crédit, augmentation importante du taux d’intérêt, dévaluation de la monnaie – devront, selon M. Soares lui-même, être appliquées avec « pondération » pour être supportables et efficaces. Il reste que l’ampleur de la crise et l’absence d’autres recours sérieux ne laissaient guère d’autre choix aux Portugais. Vie chère, hausse des prix rapide, taux d’inflation de près de 30 % en 1977, déficit de la balance des paiements de 1,5 milliard de dollars : le Portugal importe plus qu’il n’exporte, et c’est à une restructuration complète de son économie qu’il doit procéder s’il veut « relancer » la machine pour être en état de poser sa candidature au Marché commun. Quatre ans après la fin du salazarisme, le Portugal est ainsi passé, bon gré, mal gré, sous le contrôle des « hommes sans visage » du FMI.
Sécurité collective en Afrique ?
Les risques de déstabilisation du continent africain ont obsédé tous les délégués à la cinquième conférence franco-africaine, qui s’est tenue fin mai à Paris : la seconde guerre du Shaba et les atrocités commises à Kolwezi, la détérioration de la situation au Tchad ont constitué les deux principaux thèmes d’inquiétude. Le Zaïre et le Tchad n’étaient cependant pas les seuls États à occuper le devant de la scène. La Mauritanie, qui éprouve toujours de grosses difficultés avec les sahraouis, se trouve dans une situation à certains égards analogue, sans parler de pays non représentés mais qui connaissent des guerres civiles lourdes de conséquences pour leurs voisins : Angola, Éthiopie, Rhodésie, Namibie. Cette atmosphère de crise explique que, bien que cela n’ait pas expressément figuré à l’ordre du jour initial de ce « sommet » de Paris, la sécurité collective ait principalement retenu l’attention des dirigeants africains. C’est ainsi qu’en marge de la conférence elle-même les problèmes de défense ont été débattus. Ce n’est pas la première fois que l’idée de mettre sur pied une force commune d’intervention africaine faisait l’objet d’échanges de vues. Déjà l’année dernière, lors de la quatrième rencontre franco-africaine de Dakar, les partisans de la création d’un corps de « casques bleus » africains avaient sans succès essayé de faire prévaloir leurs vues. À Paris, l’idée a été évoquée de nouveau, et il semble qu’elle ait gagné de nouveaux adeptes. M. Senghor a été mandaté pour sonder ses collègues, mais, malgré leur souci de briller les étapes, les partisans de la création d’un corps africain d’intervention ne se sont pas départis pour autant d’une certaine prudence.
Il reste 62 % de l'article à lire
Plan de l'article