Institutions internationales - Tensions et inquiétudes africaines - Structures et dimensions de l'Europe - Vers une réforme du COMECON (Conseil d'assistance économique mutuelle)
L’intervention militaire française au Zaïre avait mis en lumière la gravité des problèmes politiques dans l’Afrique au sud du Sahara, et quelques jours plus tard le président Senghor n’hésitait pas à déclarer : « la Troisième guerre mondiale a commencé en Angola ». De fait, cette crise a illustré le caractère superficiel de la détente et la relativité de la coexistence pacifique, et par conséquent l’importance de l’équilibre des forces sur lequel elles reposent l’une et l’autre. Tandis que les Occidentaux tentaient de définir sinon une position commune, du moins des politiques coordonnées, de nouvelles tensions s’aggravaient jusqu’au point de rupture.
C’est ainsi qu’un nouveau foyer de troubles s’alluma dans l’une des régions stratégiques les plus importantes de la planète, qui va de la Corne de l’Afrique à l’océan Indien en passant par la mer Rouge et les rivages soudanais : les deux Yémens sont entrés dans une nouvelle crise. Trois puissances sont directement concernées par la situation autour du détroit de Bab-el-Mandeb : l’Union soviétique, l’Arabie saoudite et l’Iran, mais ni les États-Unis ni la Chine ne s’en désintéressent. Aussi bien ces nouveaux affrontements survenant aux confins de l’Afrique et de l’Arabie ont-ils prouvé, une nouvelle fois, à quel point des conflits apparemment aussi différents que ceux d’Ogaden, d’Érythrée, du Dhofar, du Sud-Soudan, du Zaïre ou du Sahara s’inscrivent dans une même et gigantesque partie internationale, dont l’enjeu est vital pour l’Occident puisqu’il s’agit du contrôle du pétrole arabe et des minerais africains.
Tensions et inquiétudes africaines
Le 19 juin, le président Senghor analysait dans les termes suivants les problèmes posés par l’idée d’une « force d’intervention africaine ». « Le besoin de sécurité est un fait majeur de la conscience nationale chez tous les États africains. Car le problème n’est pas idéologique. En 1960, lorsque nos États ont accédé à l’indépendance, leur problème n’était pas de bâtir un pays « socialiste », « communiste », « libéral » ou « capitaliste ». C’était d’être indépendant, de pouvoir penser et agir par soi-même et pour soi-même. Cette indépendance est aujourd’hui remise en question. Pourquoi ? Parce que depuis la fin de la guerre d’Indochine, l’affrontement des idéologies, mais aussi des intérêts économiques entre l’Est et l’Ouest, s’est transporté d’Asie en Afrique. Cela a débuté avec le « coup de l’Angola », avant de s’étendre au Sahara occidental, à la Corne de l’Afrique, au Tchad puis au Shaba. Je pense qu’il faut refuser de suivre les Européens, c’est-à-dire de faire des guerres idéologiques, qui aboutiraient à des guerres « chaudes ». L’idéal serait une force de l’OUA (Organisation de l’unité africaine). Mais comme celle-ci est divisée en quatre courants, sa force serait, partant, divisée. Or une maison divisée contre elle-même ne peut que périr, comme le dit l’Évangile ». Dès le 30 mai, l’agence Tass a dénoncé le projet de création de cette force africaine de sécurité : selon elle, les pays qui incitent à la mise sur pied d’une telle force interafricaine visent trois objectifs : fournir un « écran africain » à leur « ingérence dans les affaires intérieures des peuples du continent », défendre « les intérêts des monopoles internationaux », préparer des « actions subversives contre les États africains progressistes ». Plusieurs pays africains, sinon « socialistes » du moins proches des vues soviétiques, ont eux aussi condamné le principe même de cette force, dont nous signalions dans notre dernière chronique à quelles difficultés elle se heurtait : il ne peut y avoir armée collective que s’il y a pouvoir politique transnational, or aucun pouvoir de cette nature n’existe et ne paraît pouvoir être mis en place en Afrique. L’OUA, en dépit de ce sigle (« Organisation de l’unité africaine ») n’exprime pas l’« Unité » de l’Afrique.
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