Cinéma - Nouvelle confrontation de films militaires à Lausanne
Le Festival international du film militaire de Versailles a essaimé : si l’initiative de Peter Pooley, ancien directeur des relations publiques de l’Otan, qui souhaitait organiser à Bruxelles un festival cinématographique des pays membres, n’a pas été acceptée par son successeur, les pays du Pacte de Varsovie ont créé deux manifestations similaires, réservées strictement aux nationaux du pacte, l’une se déroulant à Varsovie, l’autre à Leningrad.
De son côté, la Société vaudoise des officiers vient de réaliser des Journées du film militaire de Lausanne, manifestation qui, par bien des aspects, ressemble beaucoup au festival de Versailles. La première manifestation vaudoise s’est déroulée dans une atmosphère très agréable et les organisateurs ont surtout mis l’accent sur les différences de structure de leur confrontation et de celle de Versailles.
Les projections des premières Journées du film militaire ont eu lieu pendant 3 jours dans la salle de spectacle du centre de loisirs de Grand-Vennes à Lausanne. Une commission de sélection avait examiné préalablement plus de 80 films et en avait choisi 62 pour présentation en concours. Les pays suivants étaient représentés : Allemagne fédérale (RFA), Autriche, Belgique, Canada, Espagne, Finlande, France, Grande-Bretagne, Grèce, Hongrie, Italie, Roumanie, Suisse, Tunisie et États-Unis. Ne parlons pas de Panama qui avait prêté un pavillon de complaisance à un film authentiquement suisse, ni de l’Union soviétique dont les films sont arrivés… après le festival. Plusieurs nations habituées du festival de Versailles se faisaient donc remarquer par leur absence : Pays-Bas, Danemark, Suède, Yougoslavie, Norvège, Tchécoslovaquie, Portugal, Pologne. Mais il ne s’agissait évidemment que d’un galop d’essai et il ne semble pas douteux que la confrontation vaudoise verra s’accroître la participation internationale. Deux jurys distincts, l’un militaire, l’autre dit « du cinéma et de la communication », avaient à juger les films et à établir un double palmarès. Votre serviteur ayant été invité à faire partie (comme seul membre étranger !) du second jury, ce sont des impressions de première main qu’il m’est possible de rapporter ici.
Plusieurs remarques s’imposent. Le niveau moyen des films était nettement inférieur à celui que l’on observe généralement à Versailles. À cela, il y a, semble-t-il, plusieurs raisons. Pour ne décourager personne et pour pouvoir aligner le plus grand nombre possible de pays participants, les organisateurs ont accepté plusieurs œuvres qui n’auraient jamais dû figurer dans une confrontation de ce genre. Par ailleurs, et contrairement au règlement de la manifestation versaillaise, tout le monde en fait peut présenter des films puisque le règlement précise : « sont admis à présenter des films : les ministères de la Défense, services cinématographiques des armées, entreprises productrices de matériel et d’armement, organismes d’information tels que télévisions, cinéastes professionnels ou amateurs » ! Étant donné cette structure, on pouvait trouver choquante la formule « La France présente » (ou tout autre pays) puisqu’il n’y avait en réalité aucune responsabilité des services nationaux compétents. C’est pourquoi les deux jurys se sont trouvés face à une pléthore de bandes insignifiantes, présentées par des firmes privées désireuses de vanter les mérites de leurs produits. Il y avait donc trop de films, certains forts médiocres nous l’avons dit. Il y avait aussi trop de jurés (plus de trente !) et l’on peut regretter qu’aucun des deux jurys n’ait eu de caractère international comme à Versailles où le dosage est soigneusement respecté.
Ceci dit, il est nécessaire de souligner le très grand succès public rencontré par ces Journées du film militaire qui ont attiré de très nombreux spectateurs venus de toutes les régions de la Suisse. Militaires de réserve, étudiants, intellectuels, simples citoyens se pressaient dans la salle et manifestaient un grand intérêt. Cette ferveur populaire peut faire rêver les organisateurs du festival de Versailles qui, en dépit de son grand prestige international, n’a jamais réussi à attirer le public. Il est vrai que les Suisses sont infiniment plus sensibilisés à tout ce qui touche à la défense de leur pays.
En fin de compte, les organisateurs des Journées du film militaire, le capitaine Édouard Graf et ses deux adjoints, le capitaine Jacques Perrin et le chef Jean-Michel Henry, qui se sont dépensés sans compter, peuvent être fiers de leur réussite. Ils ont exprimé l’intention de tirer les leçons qui s’imposent de cette première expérience pour améliorer la manifestation dans les années à venir. Par ailleurs, ils sont bien décidés – et ils ont raison – à conserver à ces journées leur caractère populaire. Le palmarès établi par les deux jurys prouve d’abord… qu’un seul jury suffirait étant donné que plusieurs films se retrouvent dans les deux cas. Ce palmarès a consacré une double victoire de la France, le film de l’ECPA (Établissement de communication et de production audiovisuelle de la défense, aujourd’hui l’ECPAD) Informer, s’informer pour commander ayant obtenu le prix des deux jurys dans la catégorie des films d’instruction. Un autre film français, Pumas dans le ciel, a obtenu le prix du jury du cinéma et de la communication dans la catégorie des films publicitaires en faveur de matériel et d’armement. Pour le reste, les deux jurys ont couronné Die Nasse Flanke (Allemagne) et Le Combat de l’Infanterie (Suisse). Séparément, le jury militaire a distingué Die Filmschau der Bundeswehr (Allemagne). Un prix spécial des deux jurys (conjointement) a été attribué au film Assurer la Sécurité (Finlande), tandis que le prix de la presse allait à Chaplain Royal Navy (Grande-Bretagne) et celui du public à Supercanard (Suisse) qui avait déjà été distingué par un Soleil d’or à Versailles. Enfin, des diplômes ont été décernés à des films venus d’Autriche, de Belgique, de Tunisie, de Grèce et des États-Unis.
En conclusion générale, on peut affirmer que les imperfections, les lacunes, les erreurs constatées à ces premières Journées du film militaire de Lausanne découlent de l’inexpérience compréhensible des organisateurs. Ceux-ci ne manquent ni de courage, ni de bonne volonté, ni de dévouement à leur entreprise et l’on peut gager qu’ils apporteront à leur manifestation les correctifs indispensables. Le film militaire semble gagner du terrain. Tant mieux, car plus on en parlera, mieux il se portera. ♦