Il y a eu un an le 16 décembre, l’armée pakistanaise au Bengale capitulait sans condition devant les forces indiennes. L'auteur, spécialiste des problèmes du sous-continent indo-pakistanais, retrace ici l’histoire et les développements d’une crise dont l’origine remonte en fait à la partition de 1947. Il en montre les incidences sur le plan des relations internationales jusqu’à l’accord intervenu à Simla le 2 juillet 1972, entre Mme Indira Gandhi et M. Bhutto.
Du Pakistan oriental au Bangladesh : le déroulement d'une crise
En 1947, l’Inde et le Pakistan accèdent ensemble à l’indépendance. Cependant, l’ancien Empire des Indes s’est, à cette occasion, scindé dans des conditions douloureuses et malsaines, engendrées par la vieille animosité qui, depuis l’éclipse des Empereurs Moghols en 1707, oppose dans le sous-continent la communauté musulmane à la communauté hindoue majoritaire. En effet, contre le vœu du « Congrès Indien », rassemblement national laïc, mais appuyée par les partisans d’un renouveau de l’hindouisme, l’intransigeance de la « Ligue Musulmane », fortement marquée par ses tendances confessionnelles, a fait obstacle à la construction unitaire qu’avait conçue Gandhi.
La rupture entre ces deux mouvements antagonistes avait été consommée en 1940. Nehru avait, cette année-là, obtenu des Anglais la promesse de l’indépendance contre l’entrée en guerre de l’Inde aux côtés de la Grande-Bretagne. Par crainte de la domination hindoue, Jinnah avait aussitôt réclamé pour les populations musulmanes le droit de former « un ou plusieurs États séparés » : tel fût bien en effet le sens de la résolution adoptée par la Ligue à Lahore, le 24 mars 1940, mais que vint modifier la convention des législateurs de cette formation politique lorsqu’elle opta par la suite, à la majorité de ses membres, pour la création d’un seul État musulman.
Les fondements du Pakistan sont donc fort artificiels. Son territoire est divisé en deux régions que sépare toute la largeur de l’Inde. Entre le Punjab, le Sind, le Balouchistan, la Province frontière du Nord-Ouest d’une part, et le Bengale Oriental d’autre part, les différences, voire les oppositions linguistiques, ethniques, sociales, économiques sont profondes. Loin d’être surmontées par la nouvelle organisation politique, elles se verront progressivement renforcées par les incommodités de tous ordres que comporte une dispersion aussi arbitraire. À défaut de tradition historique, seul un lien existe : celui que tresse un attachement commun à la religion musulmane. Aussi les forces centrifuges restent-elles vives, auxquelles s’ajoutent bien d’autres éléments défavorables : la pauvreté des ressources, une très forte pression démographique, une population en majorité analphabète… autant de facteurs qui, dès l’origine, rendent difficile la formation d’une Nation et menacent l’existence du nouvel État.
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