Institutions internationales - Difficultés monétaires européennes - Vers l'Europe à douze - « Sommets » militaires
L’historien qui établira le bilan de l’année 1978 retiendra sans doute, comme événements majeurs, l’enlèvement et l’assassinat du président Aldo Moro, l’intervention des parachutistes français à Kolwezi, la mort de Paul VI et celle de Jean-Paul Ier puis l’installation au Vatican d’un pape venu de l’Est où la religion demeure très fervente et ne paraît pas être « l’opium du peuple », le « sommet » de Camp David, les espoirs qu’il a suscités et les difficultés auxquelles se sont heurtées les idées émises par ses participants. Cet historien retiendra aussi les événements d’Iran, l’ébranlement de la Turquie et l’ouverture de la Chine à l’Occident. Alors que 1977 n’avait fait que continuer 1976, 1978 laissera le souvenir de grands changements. Jusqu’en décembre il semblait que ceux-ci restaient limités à l’Asie, notamment à l’ancienne Indochine et à la Chine : le traité de paix sino-japonais puis la normalisation des relations sino-américaines ont effectivement ouvert une ère nouvelle et un équilibre nouveau pour le Pacifique. Mais, dans les dernières semaines de l’année, ce sont les confins européo-asiatiques qui ont connu les remous les plus profonds et les plus lourds de signification. L’Iran et la Turquie avaient été à l’origine, en 1947, du réengagement des États-Unis en Europe, et c’est à propos de ces deux pays (indépendamment de l’Allemagne, évidemment) que s’était engagée la guerre froide. Aujourd’hui leur avenir est mis en question, et c’est ainsi une région-clé qui risque de se trouver déstabilisée. Si l’on tient compte, en outre, des nouveaux retards enregistrés pour la conclusion d’un second accord sur la limitation des armements stratégiques, on comprend que l’année 1979 ne se soit pas ouverte sous le signe de l’optimisme.
Difficultés monétaires européennes
Le Système monétaire européen (SME) mis au point en novembre et destiné à créer une zone de stabilité monétaire, devait devenir une réalité le 1er janvier, sans la Grande-Bretagne, car ayant obtenu certaines des satisfactions qu’elles réclamaient, l’Italie et l’Irlande s’étaient finalement ralliées à l’initiative franco-allemande. Or, une divergence de vues entre Paris et Bonn a retardé la mise en œuvre du système. Le 19 décembre 1978, la République fédérale d’Allemagne (RFA) a refusé la dévaluation immédiate du « franc vert » de 3,6 %, demandée par le ministre français de l’Agriculture, M. Méhaignerie, dévaluation qui aurait entraîné une hausse équivalente des prix agricoles français. En outre, le ministre allemand de l’Agriculture, M. Ertl, a refusé de s’engager à supprimer dans un délai d’un an les « montants compensatoires monétaires » qui pourraient résulter d’une éventuelle réévaluation du deutschemark : ces montants jouent le rôle d’une subvention à l’exportation des produits allemands. Enfin, l’Allemagne, les Pays-Bas et la Grande-Bretagne se sont opposés à la fixation d’un calendrier de suppression progressive des montants compensatoires existants. Ce triple refus a conduit M. Méhaignerie à annoncer que la France refuserait d’appliquer à la politique agricole commune (PAC) le nouveau SME. La querelle, essentiellement franco-allemande, sur la nature et l’urgence des mesures à prendre pour rétablir l’unité des prix agricoles dans la Communauté, a ainsi rejailli sur le SME, dont les deux fondateurs se sont trouvés en grave désaccord dix jours avant sa mise en vigueur. Rien ne laissait prévoir cette crise. Mais des considérations de politique intérieure sont intervenues : la virulence de certaines controverses sur les prérogatives du « Parlement » européen a incité le représentant français à se montrer intransigeant pour ne pas être accusé de « céder » aux « pressions de l’étranger ». Au surplus, le « poids » électoral des paysans d’un côté et de l’autre du Rhin limitait les possibilités de compromis de MM. Méhaignerie et Ertl. Les aspects purement politiques du lancement du SME ont détourné l’attention des Européens de la nouvelle détérioration de la situation monétaire, qui risque de rendre plus difficile que prévu au début de décembre le fonctionnement du SME. Le dollar a subi une nouvelle chute, ce qui ne peut manquer de provoquer indirectement des tensions entre les monnaies fortes et les monnaies plus faibles du futur « système » européen.
Un autre retard a été enregistré : contrairement à ce qui avait été décidé lors du « sommet » économique de Bonn en juillet 1978, la phase décisive du Tokyo Round – négociations commerciales entre les « Neuf », les États-Unis et le Japon – n’a pas été menée à son terme avant la fin de l’année, et va se poursuivre en 1979. La France a obtenu satisfaction : les « Neuf » ont décidé de ne pas négocier sous la pression d’un calendrier obligatoire, et la priorité est donnée à la recherche de résultats équilibrés. Pour l’essentiel, il s’agit, de la part des Européens, de définir une position commune face à la menace de droits compensateurs qui pèse sur les produits européens exportés outre-Atlantique. Le nouveau Congrès américain ne devant se réunir qu’à partir du 15 janvier 1979, la mise au point d’un éventuel accord s’est trouvée reportée, au plus tôt, au printemps 1979.
Il reste 64 % de l'article à lire
Plan de l'article