Outre-mer - Namibie : après l'élection de l'Assemblée constituante - Croisade antisoviétique du président Sadate à Khartoum ; appel du pied de la Somalie au Kremlin
Des élections à une Assemblée constituante ont eu lieu du 4 au 8 décembre sur tout le territoire namibien. Le scrutin, que l’ONU déclare illégal, est accepté par les cinq pays occidentaux membres du Conseil de sécurité sous certaines conditions, notamment la continuation du processus d’accession à l’indépendance sous le contrôle des Nations unies. Cinquante sièges étaient à pourvoir avec cinq partis politiques en présence. Les électeurs devaient choisir un parti qui désignerait, par la suite, les députés en fonction du nombre de voix qu’il aurait obtenu. Sur une population d’environ 1 000 000 d’habitants, toute personne née en Namibie ou ayant vécu dans ce pays au moins quatre ans et âgée de plus de dix-huit ans était habilitée à se faire inscrire sur les listes électorales. 412 351 personnes furent enregistrées avant le mois d’octobre 1978 ; ce chiffre correspondrait à 93 % du corps électoral potentiel. 331 055 participèrent au vote, soit 81 % des inscrits, et 4 791 bulletins (soit 1,5 %) furent considérés comme nuls. Il restait donc 326 264 votes valables. Sur ce chiffre, la DTA (Alliance démocratique de Turnhalle, union de partis modérés noirs – à raison d’un parti par ethnie – et du parti blanc républicain de M. Mudge ; pour eux, le programme de Turnhalle est un minimum) a obtenu 268 130 suffrages, soit 82,18 % ; l’AKTUR (Front d’action pour la mise en œuvre des décisions de Turnhalle, ne comprenant que des partis blancs ; pour eux le programme de Turnhalle représente la limite à ne pas dépasser), 38 716, soit 11,86 % ; le NCDP (Parti des germanophones attachés à la reconnaissance internationale de la Namibie, et pour cette raison opposé aux décisions de Turnhalle) 9 073, soit 2,78 % ; le HNP (Herstigte Nasionale Party, parti blanc fortement réactionnaire et qui rejette les décisions de Turnhalle à laquelle il a refusé de participer) 5 781, soit 1,77 % ; et le Front de libération (qui rejette comme insuffisantes les décisions de Turnhalle et milite pour l’établissement rapide d’un système multiracial), 4 564, soit 1,39 %. Il ressort de ces chiffres que la majorité des électeurs se déclare en faveur de la politique évolutive de M. Mudge.
Les branches intérieure et extérieure de la SWAPO (South-West African People’s Organisation) avaient décidé le boycott des inscriptions sur les listes électorales et celui des élections. Le nombre des inscrits et le résultat du scrutin peuvent donc être considérés comme un échec pour ce mouvement de libération et un succès pour les partisans du règlement intérieur. Le parti de M. Nujoma récuse cette interprétation alléguant que les pressions exercées par l’armée sud-africaine et les employeurs sur le corps électoral enlèvent à l’Assemblée élue toute valeur représentative. Il est vrai que six dirigeants de la SWAPO intérieure, parmi lesquels M. Daniel Tjongarero, son chef, avaient été arrêtés début décembre pour être relâchés après les élections. Mais, s’il est possible que dans les petites entreprises ou dans les exploitations agricoles on ait incité les ouvriers à participer au vote, il ne semble pas que les plus importants employeurs que sont la société britannique Rio Tinto (uranium), la société sud-africaine De Beers (diamants) et la société américaine Amas Corporation (cuivre) aient favorisé les partisans d’une accession à l’indépendance sans un accord préalable avec la SWAPO. Elles craignent non seulement la poursuite des activités subversives mais aussi l’isolement diplomatique du futur État ; par ailleurs, elles auraient reçu l’assurance des dirigeants du mouvement de libération que, s’ils parvenaient au pouvoir, les intérêts des sociétés étrangères ne seraient pas profondément lésés.
La répartition des suffrages a donné 41 sièges sur 50 à la DTA, 6 sièges à l’AKTUR, 1 siège au NCDP, 1 siège à l’HNP et 1 au Front de libération. La DTA bénéficie donc de la majorité absolue des deux tiers. Conformément à son règlement, elle a réparti ses sièges entre les mouvements ethniques qui la composent : 4 sièges aux Ovambo (46,8 % de la population), 4 au parti républicain blanc (12 %), 4 aux Damaras (8,5 %). 4 aux Héréros (7 %), 4 aux Kavango (6,8 %), 4 aux Nama (4,3 %), 4 aux Métis (3,8 %), 3 aux populations du Caprivi oriental (3,3 %), 3 aux Bochimans (2,8 %), 3 aux Bâtards de Rehoboth (2,2 %) et 3 aux Tswana (0,3 %). L’AKTUR a remis 4 des 6 sièges obtenus à ses dirigeants blancs, 1 à un Métis et 1 à un Bâtard de Rehoboth, ce qui correspond à peu près à la répartition de son électorat. Les trois autres partis ont désigné leur chef pour les représenter à l’Assemblée. Ainsi, celle-ci compte-t-elle 10 députés blancs (dont 4 appartiennent à la DTA), 31 députés noirs, 5 Métis et 4 Bâtards de Rehoboth, soit 20 % blancs, 62 % noirs, 10 % Métis et 8 % Bâtards. Ce système électoral de scrutin proportionnel et de répartition des sièges après l’élection parmi les membres des partis appelle deux réflexions : d’abord, bien que les députés noirs disposent de la majorité absolue à l’Assemblée, ils n’ont pas été choisis nominativement par les électeurs et l’on peut craindre qu’ils aient été désignés par les animateurs blancs des partis plus que par leurs pairs ; ensuite, les 4 députés Ovambo ne représentent pas, dans un parlement de 50 membres, le poids presque majoritaire de cette ethnie sur la population namibienne. Cette anomalie favorisera évidemment la propagande de la SWAPO qui recrute surtout en milieu Ovambo.
Il reste 76 % de l'article à lire
Plan de l'article