L’Anarchisme au XXe siècle
À certaines époques, l’anarchisme a utilisé le terrorisme comme moyen d’action, mais Henri Arvon dépasse ce point de vue marginal pour présenter une doctrine aux aspects variés, née à peu près en même temps que le marxisme et qui retrouve une nouvelle jeunesse. Une curiosité nouvelle se manifeste, venue non de la volonté de renverser ce qui, au siècle dernier, apparaissait comme une promesse de bonheur et de liberté, l’abandon des biens matériels, mais du désir d’en changer l’orientation, au-delà du nivellement total, vers la valeur personnelle.
Une telle renaissance est sensible dans les pays anglo-saxons. Au XXe siècle, les manifestations de terrorisme révolutionnaire anarchiste sont des phénomènes marginaux. Mais beaucoup de ses courants, de ses thèmes ont été réactualisés par une évolution historique dont les penseurs anarchistes ont eu une intuition étonnante. La relecture des positions de l’anarchisme vis-à-vis de l’État, de la société, de la violence, de l’âge et de l’éducation le montre.
L’éviction de l’anarchisme par le marxisme semblait définitive. Et voilà qu’après la seconde guerre mondiale, la société moderne industrielle, dont la finalité apparaît inhumaine, est remise en cause, et avec elle le marxisme. L’Histoire n’est-elle pas en train de réviser le procès intenté par Karl Marx à ses contradicteurs anarchistes, Stirner, Proudhon et Bakounine ? Le premier a bien vu que le communisme, incarné dans un régime politique, soumettait l’individu à la contrainte d’une norme abstraite, au détriment de l’homme en particulier, pour le bonheur fictif de l’homme pris au sens général.
« L’anarchisme, conclut Henri Arvon, peut apparaître comme le remède spécifique des maux qui affligent l’humanité actuelle dans ce monde de plus en plus uniformisé, grégaire ». Une doctrine que l’on connaît mal, que l’on assimile au désordre et au nihilisme, soutenue en réalité par deux « valeurs piliers » dont notre génération déplore la disparition : l’originalité créatrice et la responsabilité personnelle.
Un livre fort intéressant qui nous rappelle la vanité des thèses anarchistes et montre leur curieuse résurgence en ce XXe siècle finissant, contestataire d’une civilisation de l’uniformité. ♦