World Armaments and Disarmament – SIPRI Yearbook 1979
La lecture de l’Annuaire 1979 – 10e de la série – publié par l’Institut de Recherche en vue de la Paix internationale (SIPRI) est assurément sévère ; mais le document rassemble et commente un tel volume d’informations sur la situation des armements dans l’ensemble du Monde, qu’elle s’impose à tous ceux que concernent les problèmes de défense.
Aux spécialistes elle permettra une ample mise à jour de leurs connaissances. Aux non-initiés, elle apprendra, entre autres données chiffrées, que les dépenses d’armement ne cessent de croître, à l’exception de quelques nations, déjà suréquipées – plus de 1 700 milliards de francs pour la totalité des dépenses déclarées : que les grandes puissances sont les dépensières majeures, mais que les budgets militaires des petites se gonflent dangereusement ; que le commerce des armes lourdes progresse à un rythme inquiétant, surtout dans les pays en voie de développement où il est passé officiellement de 7 300 millions de dollars en 1976 à 14 000 millions en 1978 ; que les grands fournisseurs sont dans l’ordre les États-Unis, l’URSS et la France ; que de nouveaux exportateurs – dont certains appartiennent au Tiers-Monde – apparaissent sur le marché et que cette situation n’est pas encourageante dans l’optique du désarmement ; enfin, que le Moyen-Orient reste le plus avide d’armements lourds (dans l’ordre, depuis l’effondrement de l’Iran : Irak, Israël, Arabie saoudite, Syrie…).
L’Annuaire ne se borne pas à l’inventaire des dépenses, ou des armements lourds en service ou en développement. Il présente aussi trois études fouillées sur des sujets de pointe : la militarisation de l’espace, la militarisation des océans, la course aux armements nucléaires entre les Soviétiques et les Américains.
Ces études, basées presque exclusivement sur des références américaines, s’appliquent à la projection à court et moyen terme des possibilités stratégiques nouvelles offertes par les découvertes théoriques et les réalisations en laboratoires ainsi que par les plans de développement qui s’en inspirent. L’une des conclusions majeures auxquelles elles aboutissent, et dénoncent, est qu’un progrès décisif obtenu par l’un des Grands pourrait conduire celui-ci à abandonner la stratégie de dissuasion en faveur du déclenchement et de la conduite d’une guerre nucléaire. Cette partie de l’ouvrage constitue un apport substantiel aux éléments de base des problèmes de défense, plus encore qu’à ceux du désarmement.
D’autres sujets, d’importances moindre mais également très liés à l’évaluation des risques de guerre et de leurs séquelles, sont traités avec soin : par exemple la prolifération nucléaire : l’élimination des armements à caractère inhumain ou collectivement non-discriminatoires ; les actions internationales, nationales ou privées menées en faveur du désarmement et leurs résultats.
Les travaux considérables qui ont permis au SIPRI l’établissement de cet annuaire sont d’une qualité qui mérite la considération et même la reconnaissance de tous les hommes de bonne volonté, qu’ils œuvrent activement ou non en faveur de la Paix dans le monde. Qu’il nous soit permis cependant, en raison même de l’audience internationale dont bénéficiera d’emblée cet ouvrage, d’exprimer à son égard trois réserves susceptibles d’atténuer sa crédibilité :
• N’y a-t-il pas risque de distorsion dans l’exposé des faits étant donné le surprenant déséquilibre que l’on constate dans l’origine des informations ? Sur environ 50 sources du type journaux, périodiques ou annuaires, 4 seulement appartiennent aux pays de l’Est, 4 à l’ONU, plus de 20 sont anglo-saxonnes ; sur près de 500 références précises, aucune n’est chinoise ou vietnamienne, 7 émanent d’URSS ou des pays sous son obédience, 290 sont anglo-saxonnes !
• Cette distorsion n’est-elle pas à l’origine de la critique faite sans discrétion de certaines thèses officielles des pays de l’Ouest, ou encore de l’affirmation répétée que le potentiel lourd des États-Unis l’emporte sur celui de l’URSS non seulement qualitativement mais, malgré l’apparence, quantitativement et que cette supériorité devrait aller en croissant ? Ces prises de position ne sont-elles pas alors insuffisamment fondées ?
• Les arsenaux lourds concrétisent-ils vraiment la totalité de la menace qui pèse sur la paix entre les Nations ? Le Biafra, l’Éthiopie hier, l’Iran, l’Afghanistan, le Cambodge aujourd’hui ne sont-ils pas des témoignages accablants qu’une guerre civile, menée seulement avec des armements légers peut très vite conduire une Nation, puis une région à la ruine et au désordre international ? Ne conviendrait-il pas que l’Annuaire du désarmement face la place aux armements individuels ou moyens et aux trafics les concernant ? ♦