Défense en France - La réorganisation de l'Armée de terre et la valorisation des capacités d'action extérieure des forces terrestres
La France ne peut vivre repliée sur l’Hexagone. Elle a des intérêts et une politique à l’échelle mondiale, elle est économiquement interdépendante d’autres continents, elle a des territoires et des départements d’outre-mer à défendre. Elle doit donc être capable, le cas échéant, d’agir militairement hors de ses frontières. C’est pourquoi ses forces armées ont parmi leurs missions :
– d’être en mesure, en dehors d’Europe, de contribuer à la sécurité des pays avec lesquels la France est liée par des accords ou par une solidarité de fait, économique ou culturelle ;
– d’être capables d’actions extérieures de formes diverses, soit qu’il s’agisse de participer à des missions de présence à la demande d’organisations internationales ou à la requête d’États impliqués, soit qu’il faille apporter une assistance militaire et technique à des États menacés.
Pour répondre à ces obligations, les trois armées disposent en priorité de forces d’action extérieure dont une partie est déjà stationnée hors des frontières, dans les DOM-TOM et sur les territoires des Républiques du Sénégal, de la Côte d’Ivoire, du Gabon et de Djibouti, avec lesquelles la France a passé des accords appropriés. Ces forces hors d’Europe se montent, pour les trois armées – terre, air et mer – à 25 000 hommes environ.
Si nécessaire, comme ce fut le cas pour l’opération de Kolwezi en 1978, l’Armée de terre peut employer des unités qui ont plus spécialement vocation à l’action extérieure par opérations soit aéroportées (11e DP, Division de parachutistes, Toulouse), soit de débarquement (IIe DIMa, division d’infanterie de marine, Saint-Malo). La première de ces grandes unités vient d’être l’objet d’une modification de ses structures dont nous allons parler.
Il convient de préciser auparavant l’esprit et le cadre dans lesquels se situe ce réaménagement. Le cadre est celui de la réorganisation de l’ensemble des forces de l’armée de terre qui est en voie d’achèvement. Cette réorganisation visait, on le sait, à abolir la distinction et la disparité des capacités d’action entre « forces de manœuvre », « forces du territoire » et « forces d’intervention » et à créer un ensemble plus homogène, mobile et polyvalent. L’échelon brigade a été supprimé et l’on a formé 15 Divisions de 6 à 7000 hommes : d’une part 10 divisions dont 8 blindées constituant 3 Corps d’armée, et d’autre part 5 Divisions d’infanterie (dont la 9e DIMa), plus une Division alpine (27e DA) et une Division parachutiste (11e DP) formant les forces réservées. Il n’y a donc plus de forces d’intervention, et le terme même en est prohibé. Le but recherché par la réorganisation est celui du maximum de souplesse d’emploi. Si les trois corps d’armée ont toujours pour mission prioritaire d’agir au nord de la Loire, rien n’interdit qu’ils puissent être orienté vers d’autres frontières et hors de ces frontières : inversement, il est possible que la 9e DIMa soit employée avec d’autres forces réservées en renfort de l’un des corps d’armée à l’intérieur ou hors des frontières, mais pas nécessairement hors d’Europe. Il y a cependant une limite à cette souplesse d’emploi hors d’Europe, c’est celle découlant de l’article L.70, alinéa 3 du Code du service national ayant force de loi :
« Les militaires peuvent être appelés à servir en tout temps et en tout lieu. Toutefois, en temps de paix seuls les appelés qui sont volontaires pour une telle affectation peuvent être affectés à des unités ou formations hors d’Europe et hors des départements et des territoires d’outre-mer ».
Ces raisons appelaient donc la disparition des deux commandements de brigade qui subsistaient à la 11e DP et le rassemblement dans un groupement aéroporté de régiments formés exclusivement des personnels d’active ou d’engagés, c’est-à-dire « professionnalisés ».
La 11e DP (PC à Toulouse) comprendra donc à l’avenir, outre le 5e RHC (Régiment d’hélicoptères de combat) et le 5e GSALAT (groupement de soutien de l’Aviation légère de l’Armée de terre) :
– des éléments organiques de division (EOD) : les 14e RPCS (Régiment parachutiste de commandement et de soutien), la Bomap (Base opérationnelle mobile aéroportée), le 1er RHP (Régiment de hussards parachutistes), le 35e RAP (Régiment d’artillerie parachutiste) et le 17e RGP (Régiment de génie parachutiste) ;
– un groupement aéroporté (GAP) (PC à Albi) : 1er BCS (Bataillon de commandement et de soutien), 3e RPIMa (Régiment parachutiste d’infanterie de Marine), 8e RPIMa et le 2e REP (Régiment étranger de parachutistes en Corse à Calvi). Toutes ces unités sont « professionnalisées » ;
– deux régiments parachutistes d’appelés : le 1er RCP (régiment de chasseurs parachutistes) et le 6e RPIMa.
Est donc supprimé, en tant que dénomination, le 9e RCP de Toulouse qui était constitué d’appelés. En réalité, c’est le 1er RCP, actuellement à Pau, qui est dissous, et c’est le 9e RCP qui recueille sa dénomination, son drapeau et sa tradition. Il sera ultérieurement transféré à Pamiers.
Le commandement dispose ainsi, avec le GAP, d’une formation immédiatement opérationnelle, adaptée à l’action en climat tropical grâce au système des compagnies tournantes stationnant à tour de rôle outre-mer, dont tous les hommes sont parfaitement entraînés, vaccinés et disponibles sans restrictions.
Ce groupement peut être renforcé, suivant les besoins, par tel ou tel élément des EOD (Explosive ordonance disposal) dont certaines unités sont également professionnalisées. L’idée est de pouvoir agencer le groupement en fonction des missions diverses qui peuvent se présenter inopinément et ceci sans désorganiser les unités sur lesquelles sont opérés les prélèvements.
C’est la même idée qui préside à la constitution, en cours, de DAO (Détachements d’assistance opérationnelle), à raison de 5 au sein de la 11e DP et de 3 au sein de la 9e DIMa. Ces DAO, d’un effectif de 30 à 40 hommes, dont 4 ou 5 officiers et une douzaine de sous-officiers, sont également constitués par des personnels d’active ou engagés, spécialistes d’une arme ou d’un mode de combat, et qui sont en permanence disponibles pour l’accomplissement de toute mission d’instruction ou d’assistance militaire technique auprès d’États ayant passé des accords avec la France.
Parallèlement à ces restructurations ou créations, on assiste à une modernisation des moyens destinés à l’emploi dans des actions extérieures. La 11e DP sera entièrement dotée en 1980 du fusil Famas de 5,56. Les transmissions de la 11e DP sont également modernisées par la mise en place de stations mobiles permettant d’assurer à longue distance des liaisons fiables entre Paris et les unités quelle que soit la zone de leur engagement. Ultérieurement, la capacité des transmissions pour l’action extérieure sera encore accrue par la mise en service du satellite de télécommunications des PTT (Poste de télécommunications) sur lequel les armées disposeront de cases militaires qui leur seront propres et permettront des liaisons puissantes et sûres.
Les unités aéroportées verront leurs possibilités de transport et de soutien logistique augmentées grâce à la sortie prochaine de 28 C-160 Transall nouveau modèle ayant la capacité de ravitaillement en vol (par avion C-135), ce qui conférera à l’appareil la possibilité de porter 6 t à 7 500 km sans escale (au lieu de 5 600 km).
Enfin, l’importance de l’effort gouvernemental en faveur de l’action extérieure est également marquée par la création, révélée par les débats parlementaires du 6 novembre 1979 à l’Assemblée nationale, d’une 31e Demi-brigade qui serait constituée en Provence (PC à Marseille ?) au cours de l’été 1980. Cette formation, comparée par le ministre de la Défense, au régiment interarmes que commandait jadis à Bouar le général Bigeard, regrouperait le 21e RIMa équipé d’AML (Automitrailleuse légère) et de VAB (Véhicule de l’avant blindé) actuellement stationné à Sissonne et qui serait déplacé à Fréjus, le 1er REC (Régiment étranger de cavalerie, à Orange) et le 2e REI (Régiment étranger d’infanterie, en Corse) qui sera équipé de VAB. Cette demi-brigade sera adaptée aux missions d’action extérieure. Sa création n’entraînera pas de charges nouvelles pour le budget de l’Armée de terre et ses matériels sont déjà prévus dans la loi de programmation.
Cette création répond, de toute évidence, à la volonté de pouvoir disposer sur chacune des façades maritimes de la France d’unités capables d’agir, avec une certaine capacité mécanisée, dans des opérations de débarquement : la 9e DIMa vers l’Atlantique et la 31e demi-brigade vers la Méditerranée. Encore une fois, il ne faut pas voir l’action extérieure comme étant nécessairement dirigée vers le fin fond de l’Afrique.
Correctif publié en mars 1980 sur la réorganisation de la 11e division parachutiste
Dans notre précédente chronique nous avions fait état de la dissolution prochaine d’un régiment de chasseurs parachutistes formé d’appelés. Cette décision ne sera pas exécutée, le Président de la République, chef des armées, ayant fait connaître son désir de voir maintenus les trois régiments d’appelés de la 11e division parachutiste. Ceux-ci resteront donc : le 1er RCP (régiment de chasseurs parachutistes) stationné à Pau, le 9e RCP à Pamiers dès que le casernement qui lui est réservé sera achevé, et le 6e RPIMa (Régiment de parachutistes d’infanterie de marine), à Mont-de-Marsan.
Compte tenu de cette correction, le texte de notre chronique sur la réorganisation de nos forces d’action extérieure reste inchangé.