Afrique - L'Afrique face à l'affaire afghane - Mauritanie : la paix n'est pas sans risques
Pour la première fois depuis l’indépendance de ses États, l’Afrique est appelée à prendre position sur une affaire qui ne la concerne pas directement, dans une crise dont elle n’est pas l’enjeu mais qui atteint de plein fouet l’équilibre diplomatique existant. Certes, elle a souvent été invitée à se prononcer au sein d’organismes internationaux comme l’Assemblée générale de l’ONU ou la Cnuced (Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement), mais en la circonstance elle était partie prenante et agissait le plus souvent en tant que membre du mouvement des pays non-alignés ou en qualité de continent en voie de développement. Elle n’avait donc pas à prendre des dispositions qui lui soient propres. Avec des nuances plus ou moins accentuées, elle conformait son attitude à celle de l’ensemble des pays se trouvant dans la même situation qu’elle. On va d’ailleurs retrouver dans l’affaire afghane de pareils gestes de solidarité lorsque la situation sera examinée sous un angle très particulier à la conférence d’Islamabad : les pays africains musulmans réagiront en fonction de leur appartenance à l’Islam.
L’Afrique n’est cependant pas totalement islamique et nombre de ses États n’auront pas à prendre position en ce domaine, ce qui ne veut pas dire qu’ils puissent se tenir à l’écart. Politiquement, il est vrai, rien ne les en empêcherait, mais il y a cet appel au boycottage des Jeux olympiques (JO) de Moscou. Cette initiative américaine contraint subitement l’Afrique à se déterminer en tant que telle et on aurait tort de négliger le retentissement d’une telle initiative sur le continent africain. D’abord en plusieurs disciplines les Africains atteignent les sommets de la compétition internationale ; ensuite en matière de sports l’Afrique est organisée et ne peut que réagir à l’unisson par le biais du Conseil supérieur du sport en Afrique (le CSSA) ; enfin quel gouvernement refuserait de tenir compte d’une opinion publique souvent indifférente aux choses politiques mais toujours passionnée par les exploits de ses sportifs ?
Considérée dans une perspective exclusivement sportive, l’affaire afghane ne peut conduire les pays africains à refuser le rendez-vous de Moscou. C’est du reste l’attitude affichée en janvier à Cotonou par les ministres des sports des nations francophones. À cette occasion M. Lamine Ba, le secrétaire général du CSSA (un Sénégalais qui a récemment succédé au Congolais Jean-Claude Ganga) s’est appliqué à préciser la position de l’Afrique. N’oublions pas qu’aux JO de Montréal l’Afrique avait en majeure partie boycotté les épreuves en signe de protestation contre la participation de la Nouvelle-Zélande accusée d’accointances avec l’Afrique du Sud. Pour M. Lamine Ba, il est normal que les athlètes africains mettent à l’index des manifestations sportives au sein desquelles existe une ségrégation raciale. En revanche il n’est pas admissible qu’une crise politique devienne le prétexte à des mesures de rétorsion à caractère purement sportif. L’analyse ainsi faite par le secrétaire général du CSSA est logique en soi. Mais cette prise de position est encore renforcée par l’expérience : en refusant de participer aux JO de Montréal les États africains ont provoqué un affaiblissement du niveau sportif de leurs athlètes. D’où le refus, dans un premier geste, de boycotter les jeux de Moscou.
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