Institutions internationales - L'Europe des Neuf et la crise afghane - Tensions au sein du Marché commun
Les relations internationales s’étaient dégradées depuis qu’en octobre, notamment dans un discours prononcé à Berlin-Est à l’occasion du trentième anniversaire de la RDA (République démocratique allemande). M. Brejnev s’était élevé contre le projet de l’Otan de recourir à des fusées Pershing II et à des cruise missile pour répondre à l’installation des SS-20 et pour compenser une partie de la supériorité acquise par le Pacte de Varsovie. Cette dégradation s’est aggravée avec l’intervention de l’Armée rouge en Afghanistan, au point que l’on a pu se demander si la détente et la coexistence pacifique n’allaient pas céder la place à la guerre froide. Les mots doivent être maniés avec beaucoup de prudence.
D’abord, la détente et la coexistence pacifique ne doivent pas être confondues : la détente est une simple atténuation des tensions antérieures, la coexistence est une conception des rapports entre États ou groupes d’États animés de principes différents et poursuivant des objectifs eux aussi différents. Ensuite, l’histoire ignore les retours en arrière. La guerre froide que le monde a connue de 1945 à 1963 était liée à un certain état du rapport des forces. Elle a cessé lorsqu’à la supériorité américaine s’est substituée une parité russo-américaine. Aujourd’hui, la tension règne alors que cette parité s’est renforcée, et que les arsenaux sont plus puissants et plus diversifiés qu’en 1962-1963. Aussi bien les risques impliqués par le recours à la force sont-ils aussi grands que ceux devant lesquels M. Khrouchtchev recula lors de la crise de Cuba à l’automne 1962. L’affrontement direct est, sinon impossible, du moins improbable : le danger vient de la possibilité d’une « escalade » à partir d’un conflit limité. Ceci aide à comprendre l’attitude de l’ONU dans la tension créée par l’affaire afghane, et à expliquer qu’on ne peut pas la comparer à celle de la Société des Nations (SDN) lors de la montée du national-socialisme ou lors de la guerre d’Éthiopie. Comme la SDN, l’ONU étale son impuissance. Mais, alors qu’avant 1939 un pays voulait la guerre pour atteindre ses objectifs en étant persuadé de l’emporter, et se riait des appels et des décisions de la SDN, aujourd’hui l’un des deux Grands espère atteindre ses objectifs sans provoquer un conflit général dont il sait qu’il serait la première victime parce qu’un conflit entre puissances thermonucléaires serait un suicide en commun. La logique nucléaire renforce ainsi les appels de l’ONU.
L’Europe des Neuf et la crise afghane
Début février, le chancelier Schmidt et M. Giscard d’Estaing se sont efforcés de définir une position commune à la RFA (République fédérale allemande) et à la France, moins sur l’intervention soviétique, qu’ils condamnent l’un et l’autre, que sur les moyens de trouver une issue à la crise, ceci dans l’espoir que cette position commune serait approuvée par leurs partenaires de l’Europe communautaire. Ce 35e « Sommet » franco-allemand a montré que, sans la solidité du « noyau » franco-allemand, l’Europe des « Neuf » ne pouvait prétendre jouer un rôle sur la scène internationale et restait condamnée à n’être qu’une « non-personne », selon l’expression de M. Michel Jobert. Pour M. Robert Schuman en 1950, la réconciliation franco-allemande et l’intégration des industries charbonnières et sidérurgiques des deux pays pouvaient permettre à l’Europe de s’engager sur la voie de l’unification : ce fut le point de départ d’un processus qui, au travers de bien des difficultés, a abouti à la Communauté européenne. En janvier 1963, le traité signé par le général de Gaulle et le chancelier Adenauer voulait renforcer cette coopération franco-allemande, dans l’intérêt des deux pays et dans une perspective qui, en dépit de certaines apparences, n’était pas très éloignée de celle de Robert Schuman. Sa portée fut réduite par un préambule – condition mise par le Bundestag à sa ratification – qui rappelait le caractère irréversible de l’appartenance de la RFA à l’Otan, et par un accord qui confiait aux États-Unis l’armement de la Bundeswehr. Au fil des années, les « sommets » franco-allemands ont régulièrement renforcé la coopération politique entre les deux pays, en dépit de l’étroitesse des liens entre Bonn et Washington et de l’impossibilité politique d’aller plus avant sur la route d’une défense « européenne ». En décidant de construire ensemble 4 000 « blindés du XXIe siècle », le chancelier Schmidt et M. Giscard d’Estaing ont donné une nouvelle dimension à cette coopération, qui s’inscrit dans la voie ouverte par M. Robert Schuman et confirmée par le traité de janvier 1963.
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