L'enfance de la société de communication
Le développement des moyens audio-visuels est la concrétisation d’un ensemble de novations techniques dont il n’est pas exagéré d’affirmer qu’il constitue un fait de civilisation, et de penser que c’est à ce titre qu’il s’inscrira dans l’histoire. Ce n’est pas la première fois qu’un facteur technique prend une signification psychologique d’ampleur collective, mais c’est sans doute la première fois que la répercussion est aussi vaste et aussi profonde. D’autant que ce fait de civilisation se situe à la convergence de plusieurs séries.
Après avoir été l’instrument de quelques hommes épris d’aventure, puis un engin militaire, l’avion est entré dans les mœurs, et il a aboli la notion de distance : plus exactement, il a libéré l’homme de la distance. Il en a été de même de l’automobile : quelles que soient les difficultés qu’elle suscite aux responsables de la circulation urbaine, son essor a surtout affecté les régions rurales ; il n’y a plus de « village perdu », ce qui a eu des répercussions irréversibles sur les genres de vie (au sens géographique du terme) et sur le comportement à l’égard des événements — car l’isolement était à la fois physique et psychologique, et il affectait tous les individus quels que fussent leur âge ou leurs fonctions. Il serait donc abusif de réduire au développement des moyens audio-visuels la rupture fondamentale qui est intervenue dans certaines motivations du comportement. Mais il est certain que ce développement a joué un rôle considérable, en lui-même et par ce qu’il a apporté à d’autres, à titre de complément ou de confirmation.
Parler de « société de communication » revient ainsi à envisager non point une série d’événements techniques, mais un ensemble de novations dont on peut saisir les « correspondances » en évoquant « l’ère de l’électricité ».
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