Afrique - L'Ouganda et son environnement - Voyage du Pape en Afrique : tradition africaines et universalisme
Du Soudan à la Zambie, de la corne orientale au Tchad et au Zaïre, l’Afrique de l’Est arrive difficilement à reprendre un équilibre qui, depuis 20 ans, a été ébranlé par bien des vicissitudes : activités mulélistes dans sa partie limitrophe au Zaïre, rébellion des provinces méridionales du Soudan, lutte pour l’indépendance de l’Érythrée, revendications pan-somaliennes sur l’Ogaden éthiopien et la province du Nord kenyan, tensions ethniques opposant périodiquement les deux parties, séparées à l’indépendance, du Ruanda-Urundi de l’époque coloniale, instauration de régimes militaires au Burundi, en Ouganda, en Somalie, au Soudan et au Rwanda, dislocation progressive de la communauté économique de l’Est africain, regroupant le Kenya, l’Ouganda et la Tanzanie. Au début des années 1970, un certain équilibre avait été obtenu grâce aux efforts des chefs des trois plus grands États de ce secteur : le président Nimeiry du Soudan, l’empereur Haïlé Sélassié d’Éthiopie et le président Jomo Kenyatta du Kenya. Le Soudan s’était libéré de la coopération soviétique et, par l’entremise du Négus, avait pu négocier la fin de la rébellion du Sud. L’URSS (Union soviétique) n’était implantée qu’en Ouganda et en Somalie, implantations d’ailleurs très relatives : le premier de ces pays était dirigé par une personnalité dont elle craignait les foucades ; le second ne pouvait survivre qu’en conservant des liens économiques avec les États modérés de la péninsule arabique. L’intérêt porté par la Tanzanie à la Zambie, au Malawi et, de manière plus générale, à la libération de l’Afrique Australe, la faisait se désintéresser quelque peu des problèmes de l’Afrique Orientale bien que M. Nyerere eût recueilli l’ancien président ougandais, son ami.
Le putsch militaire survenu en Éthiopie, en 1974, rompit à nouveau l’équilibre de cette partie du continent. En plusieurs mois, la révolte des provinces, la poursuite de la guerre d’Érythrée, le conflit de l’Ogaden amenèrent au pouvoir la fraction la plus radicale de l’armée et justifièrent l’intervention des Cubains et celle des Soviétiques. On craignit même que l’Éthiopie ne devînt une base de l’expansion révolutionnaire dans cette partie de l’Afrique. Moscou ayant consolidé sa présence en obtenant, par une révolution de palais, que le Sud-Yémen se transformât en véritable satellite. Plus inquiet que le Kenya, qui, soucieux de conserver un allié contre la Somalie, reconduisit avec le nouveau régime éthiopien le pacte de défense qu’il avait signé avec l’Empereur, le Soudan recueillit les réfugiés érythréens ou éthiopiens qui n’acceptaient ni le jacobinisme ni le socialisme des nouveaux dirigeants d’Addis-Abeba et abrita les bases arrière des adversaires irréductibles de la junte. À la même époque, les interventions de plus en plus visibles de la Libye dans la politique des États de l’Afrique centrale, Tchad, RCA (République centrafricaine), Ouganda, conduisirent la Tanzanie, méfiante à l’égard de toute manifestation d’un Islam agressif, à s’intéresser d’autant plus aux événements qui se déroulaient au Nord que le président ougandais, pour maintenir son pouvoir, ne cessait de provoquer des incidents à la frontière ougando-tanzanienne. L’appui apporté par l’armée tanzanienne au FNLO (Front national de libération de l’Ouganda), qui regroupait les partis opposés au maréchal Idi Amin Dada, eut raison du régime de Kampala. Cette intervention, acceptée par l’ensemble des gouvernements africains, et surtout l’occupation militaire qui suivit furent tolérées à contrecœur par le Kenya. L’armée tanzanienne, en effet, maintint sur place une dizaine de milliers d’hommes afin de permettre au pouvoir mis en place de dominer les divisions internes du FNLO et de réorganiser sa défense. Le souci constant de la politique kényane étant de ranimer la communauté économique est-africaine dont le Kenya avait toujours été la partie la plus dynamique, le successeur de Jomo Kenyatta, M. Apa Moi, voyait sans plaisir se constituer un front des deux autres membres de cette communauté.
À la fin de 1979, la situation était donc la suivante : la Somalie et le Soudan considéraient l’Éthiopie comme un ennemi potentiel ; le Kenya s’était rapproché de l’Éthiopie bien qu’il ne se rangeât pas dans la même famille internationale et cherchait à amener au pouvoir, en Ouganda, une personnalité qui ne partageât pas inconditionnellement les thèses de la Tanzanie. Par ailleurs, M. Apa Moi n’avait pas la même autorité que son prédécesseur pour s’imposer à l’opinion kényane et s’employait donc à rehausser son prestige par une politique étrangère plus active. Dans l’affaire ougandaise, il rechercha l’appui du Soudan qu’il obtint aisément, puis il s’efforça de favoriser un rapprochement de Khartoum et d’Addis-Abeba. Des négociations directes entre ces capitales, amorcées en mars 1980, aboutirent à un premier accord qui permit au président Mengistu de rendre une visite officielle à son homologue soudanais, en mai. L’entente porte sur 4 points : reprise des relations commerciales, accord culturel, consultations périodiques sur des problèmes de défense et de sécurité, mesures prises de part et d’autre pour encourager les rapatriements volontaires de réfugiés. Cette dernière disposition intéresse plus particulièrement le Soudan, où les 500 000 réfugiés érythréens ou éthiopiens commencent à poser de sérieux problèmes d’intendance. L’accord, en principe, ne devrait pas nuire aux bonnes relations soudano-somaliennes que l’Égypte et l’Arabie saoudite sont très soucieuses de préserver. Le rapprochement de Khartoum et d’Addis-Abeba devrait cependant déboucher sur une conférence tripartite que Nairobi souhaite voir se réunir le plus tôt possible.
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