Nigeria : Dix ans après la guerre du Biafra (État sécessionniste du Sud-Ouest du Nigeria) qui dure de 1967 à 1970, la situation reste complexe dans ce grand pays pétrolier. Vingt ans après l'indépendance des pays africains francophones, le bilan est terne : économie pas à la hauteur, unité fragilisée…
Afrique - Nigeria : la puissance ou le chaos - L'Afrique francophone au cours de vingt années d'indépendance
L’intérêt porté par les États du monde à l’évolution nigériane repose sur quatre raisons. Le Nigeria, bien avant la Libye, tant par sa production que par ses réserves, est incontestablement la première puissance pétrolière du continent avant même qu’il ait été décolonisé, il a paru devoir devenir la principale tête de pont de l’influence américaine en Afrique ; il est aujourd’hui le pays du continent le plus important, par la masse de sa population et son potentiel économique, à s’être doté d’un régime de démocratie parlementaire à plusieurs partis ; enfin il a entrepris une expérience originale de stabilisation progressive par la constitution d’une bourgeoisie issue de l’administration et des milieux d’affaires, attachée au pouvoir central, sans suppression de l’autorité coutumière. La première République fédérale du Nigeria, coiffée par les Britanniques d’un système parlementaire de type Westminster, a sombré dans l’anarchie. Le régime militaire, qui lui a succédé sous diverses formes, a pu maintenir l’unité nationale et a eu le grand mérite de chercher à la consolider par un découpage plus judicieux des États de la Fédération et par l’installation d’un appareil démocratique adapté du système américain, appareil dont les dispositions rendent quasiment impossible la formation d’un parti unique, mais qui obligera les partis politiques à se différencier sur le plan national et non plus en fonction de critères ethniques. En octobre 1980, la deuxième République nigériane a fêté son premier anniversaire. Que peut-on penser de son évolution ?
La Constitution reconnaît trois niveaux d’autorités le gouvernement fédéral, le gouvernement des dix-neuf États et les gouvernements locaux, les deux derniers tenant compte de l’existence des tribus et de leurs parentés. À chaque niveau, l’exécutif, le législatif et le judiciaire ne sont pas subordonnés l’un à l’autre et se contrôlent mutuellement. Le président fédéral est élu pour quatre ans au suffrage universel direct ; il choisit les membres de son gouvernement en dehors du parlement, dirige l’administration fédérale, l’armée, la police et la diplomatie. Le législatif fédéral comprend une Chambre des représentants de 450 députés élus au suffrage universel et un Sénat de 95 membres élus par leurs États respectifs, proportionnellement à l’importance des populations qu’ils représentent. Chaque États désigne par ailleurs son gouverneur et sa propre assemblée législative. Les gouvernements locaux, à l’échelon inférieur, sont nommés conformément aux règles coutumières mais possèdent tous un « conseil » élu. Jusqu’à présent, les cinq partis politiques autorisés ont une assise régionale, sinon ethnique. Le National party of Nigeria (NPN) de M. Shehu Shagari représente l’opinion générale des Foulbé et Haussa d’États du Nord (Sokoto et Bauchi) mais a pu rallier une partie de l’électorat de la Middle-belt (Niger, Kwara, Benin) et de celui du Sud-Est craignant l’expansion ibo (Cross River et Rivers). Le People’s Redemption Party (PRP) de M. Aminu Kano est bien implanté dans les États du Centre-Nord (Kano et Kaduna). Dans le Nord, un troisième parti, le Great Nigerian People’s Party (GNPP) de 1’Alhaji Ibrahim Waziri concerne les populations d’origine bornouane ou kanuri qui constituent au Nord-Est, à la frontière du Cameroun, le Bornou et le Congola. L’United Party of Nigeria (UPN) de M. Awolowo représente la totalité des États de l’Ouest à prédominance yoruba, tandis que le Nigeria People’s Party (NPP) de M. Azikiwe, qui fut un président fédéral à qui la première République n’accordait qu’une autorité réduite, a pris racine en pays ibo (Anambra et Imo) et dans un États où la migration de cette ethnie est importante (Plateau).
L’élection de 1979 a permis à M. Shehu Shagari d’accéder au pouvoir, malgré une contestation de ses concurrents qui fut repoussée par les autorités judiciaires : avec 33 % des voix, il n’avait obtenu le quart des suffrages que dans douze États ; la Constitution exigeait qu’il fît ce score dans les deux-tiers des États soit – dix-neuf n’étant pas divisible par trois – treize selon l’interprétation de l’opposition et douze suivant l’estimation de la Cour suprême. Le président Shagari est un Peulh de bonne souche, fils d’un chef de village de l’États de Sokoto. Il a 57 ans. Il possède, comme les lamibé peulh, le goût de la discrétion, l’autorité secrète et tenace, le souci de s’entourer de personnes de confiance qu’il charge d’observer pour lui ou de prendre dans l’ombre les contacts utiles. Ce goût de la diplomatie discrète l’a conduit à tenter d’officialiser les fonctions des « officiers de liaison présidentielle », chargés d’établir une relation directe et peu protocolaire entre les gouverneurs d’États et lui. Cette prétention a soulevé un tollé dans l’opposition et même chez ses alliés politiques. Il a plié mais il n’a pas rompu. Ancien instituteur, homme politique de second plan, il a occupé des fonctions ministérielles dans les gouvernements de la première République et auprès du général Gowon dont il fut l’un des ministres des Finances et, à ce titre, l’un des gouverneurs de la Banque mondiale et du FMI. Après le coup d’États de 1975, il devint président de Peugeot Automobile Nigeria Ltd, poste qu’il occupa, même après son élection à l’assemblée constituante, jusqu’à sa désignation comme candidat du NPN aux élections présidentielles. Il bénéficie incontestablement de l’appui de l’armée. Malgré la modestie de sa carrière antérieure où il s’est complu dans les rôles effacés, sa formation, ses aptitudes en font un homme d’États particulièrement valable, opposé aux idéologies, pragmatique.
Il reste 78 % de l'article à lire
Plan de l'article