Le métier de diplomate
Notre ami respecté, François Seydoux de Clausonne, ambassadeur de France, vice-président du Comité d’études de défense nationale, vient de faire paraître un nouveau livre qui réunit les réflexions que lui inspire son expérience sur « le métier de diplomate ». Pour François Seydoux, il s’est agi en fait d’une vocation, au sens propre du terme, acquise à l’exemple de ses deux ascendants directs qui, avant lui, ont été des diplomates très distingués.
Né à Berlin, où son père, M. Jacques Seydoux était secrétaire d’ambassade, c’est aussi dans cette capitale que François Seydoux aura son premier poste à l’étranger, sous les ordres de M. François-Poncet, père de notre actuel ministre des Affaires étrangères. Il devait revenir en Allemagne, comme ambassadeur de France, à deux reprises, et pendant 9 ans, ce qui est tout à fait exceptionnel et témoigne de l’estime que lui portait le général de Gaulle.
Dans deux livres récents et très remarqués intitulés : Mémoires d’Outre-Rhin et Dans l’intimité franco-allemande, François Seydoux a tiré les enseignements de son incomparable connaissance de la République fédérale. Aujourd’hui, il nous convie dans l’intimité de la « Carrière » du « Quai », qu’il a servi avec éclat et auxquels il reste attaché de tout son cœur, qui est fidèle et généreux. C’est avec son enthousiasme, sa verve, sa fougue et sa chaleur humaine qu’il nous apprend à mieux connaître le « Département », la « Maison », le « Corps » et ses « Agents », en nous expliquant le pourquoi de leurs usages et le comment de leur évolution. Il regrette parfois cette dernière, mais ses jugements ne se départissent jamais de la profonde sagesse et de la parfaite courtoisie que possède au plus haut point leur auteur. Les portraits qu’il trace des hautes personnalités et des « chers collègues » qu’il a connus sont toujours savoureux, qu’ils soient pleinement admiratifs ou qu’ils comportent des traces de réserve, voire même une légère ironie, qui sont alors exprimées avec une sorte de tendresse, en tout cas d’une manière toujours parfaitement courtoise et sans le moindre soupçon de méchanceté. Sont ainsi campés les diplomates de la grande époque, Paul Cambon à Londres, Jules, son frère, à Berlin, Camille Barrère à Rome, que son père avait très bien connu. Il nous présente ensuite les secrétaires généraux du « Quai » d’avant-guerre, qu’il a bien connus lui-même : Jules Cambon, Philippe Berthelot, Alexis Léger. Il nous dessine avec talent le portrait de personnalités de premier plan de l’après-guerre, dont il a été le collaborateur et l’ami : Alexandre Parodi, René Massigli Couve de Murville. Apparaissent enfin les ministres du présent septennat : Jean Sauvagnargues, Louis de Guiringaud et Jean-François Poncet, le fils de son premier patron à l’ambassade de France à Berlin.
Ce livre nous donne également de charmants tableaux de son enfance et de sa famille, où transparait sa sensibilité. Nous l’accompagnons à Nîmes où son arrière-grand-père Alfred Silhol, député puis sénateur du Gard, était président du Conseil Général. « Je m’y sentais chez moi, admirant consciencieusement les arènes, la maison carrée, le jardin de la fontaine, entouré d’oncles et de tantes qu’il n’eut pas été décent de ne pas aimer et que j’aimais… Au lycée de la ville, j’étais le parisien, et mes camarades riaient de mon accent quand je déclamais les vers du Lutrin. » Nous le retrouvons à Clausonne, la vieille demeure de la famille maternelle depuis 200 ans, qu’il a toujours aimée avec l’admiration béate de l’enfant : « Excitées par la torpeur environnante, les cigales célébraient la beauté accablée de la nature, tandis que courait de bassin en bassin l’eau au son rafraîchissant. Ces merveilles n’ont pas changé ». Nous avons là des pages méritant de figurer dans une anthologie. Elles évoquent, en effet avec beaucoup de talent, la vie quotidienne d’une grande famille protestante. Elles nous font souhaiter de pouvoir lire bientôt d’autres souvenirs car leur auteur a certainement encore beaucoup à nous dire et à nous faire partager.
Enthousiaste et chaleureux, sensible avec pudeur, tel nous apparaît dans ce livre François Seydoux de Clausonne, et tel il est en effet dans la vie. Il est cependant trois sujets sur lesquels il est implacable : un patriotisme inconditionnel, la défense de la langue française et son admiration pour le général de Gaulle. La foi, pour lui, ne se discute pas, elle se proclame. ♦