Marine - Le budget 1981 de la Marine nationale
Le budget de la Défense nationale a été adopté le 23 octobre par l’Assemblée nationale et le 2 décembre par le Sénat. Nous nous proposons dans cette chronique de présenter les grandes lignes du budget 1981 pour la Marine, ainsi que les interventions et questions posées au ministre de la Défense lors des 3 séances de l’Assemblée nationale consacrées aux crédits militaires de la loi de finances 1981.
Le budget de la Défense nationale s’élève à 104 433,4 millions de francs. Il est en augmentation de 17,9 % par rapport à celui de 1980 alors que l’ensemble du budget de l’État progresse de 14,8 %. Le budget représente 3,85 % du produit intérieur brut marchand (PIBM).
Le budget de la section Marine s’élève à 18 382,7 MF, soit 17,6 % du budget de la Défense.
La progression de la section Marine est supérieure à celle de l’ensemble du budget de la Défense puisqu’elle est de 20,8 %.
Si l’on étudie le budget de la section Marine en structure de programmation, conformément à celle qui a été utilisée dans les prévisions de la Loi de programmation 1977-1982, on constate que la part de la section Marine représente 18,36 % du budget de la Défense. Il dépasse ainsi les prévisions de la Loi (18 %) mais n’atteint cependant pas le niveau de 1972 (18,5 % du budget de la Défense).
Le Titre III, dépenses de fonctionnement, s’élève à 8 923 MF, soit 48,5 % du budget. Il est en progression de 17 % par rapport à 1980. Cette progression est essentiellement due à l’augmentation du chapitre « Carburants » (+ 80 %) qui devrait permettre de faire face à la hausse prévisible des prix des carburants en 1981, tout en maintenant l’activité des forces.
Aucune création de postes budgétaires n’est prévue. Le chapitre « Entretien » progresse de 19 %.
En crédits de paiement, le Titre V, dépenses d’investissement, s’élève à 9 460 MF, soit 51,5 % du budget. Il est en augmentation de 24,7 % par rapport à 1980. Rappelons qu’en 1980, le volume des Titres III et V était sensiblement égal.
Les crédits de paiement du Titre V permettront de financer, pour l’aéronautique navale, l’achat de Super-Étendards (Dassault), d’hélicoptères WG 13 (Aérospatiale et Westland) et des premiers aéronefs destinés à remplacer les avions-écoles. En ce qui concerne les constructions neuves de la flotte, le ministre a fait remarquer que 70 000 t de bâtiments seront en cours de construction en 1981 (1 sous-marins nucléaire lanceur d’engins, 4 sous-marins nucléaires d’attaque, 2 corvettes antiaériennes, 4 corvettes anti-sous-marines, 6 avisos, 7 chasseurs de mines, 2 pétroliers, 8 bâtiments d’entraînement et 1 bâtiment hydrographe), les livraisons s’échelonnant évidemment sur plusieurs années.
Les crédits des chapitres « Études et développements » sont consacrés principalement aux programmes du Breguet Atlantic nouvelle génération et au missile antisurface à changement de milieu (SM39). Ils sont en augmentation de 29,4 %
Les autorisations de programme s’élèvent à 12 020 MF. Elles sont en augmentation de 29,8 % par rapport à 1980 (22,6 % pour l’ensemble du budget de la Défense).
Elles sont consacrées en priorité aux constructions neuves de la flotte et permettront de commander en 1981 : 1 corvette anti-sous-marine (n° 6), 1 sous-marin nucléaire d’attaque (n° 4), 1 chasseur de mines (n° 8), 2 Super-Patra (n° 1 et 2), 1 pétrolier ravitailleur (n° 4), 4 bâtiments-écoles (n° 5, 6, 7, 8), 1 bâtiment hydrographe de 2e classe, 1 patrouilleur de service public (SP 300 n° 1), 1 chalutier de surveillance des Terres australes.
La part d’AP (Autorisation de programme) consacrée à l’aéronautique navale, volontairement réduite pour ne pas altérer le rythme des constructions de bâtiments de surface, permettra de commander les avions de service public, d’assurer la fin des livraisons de Super-Étendard et d’hélicoptère WG 13 ainsi que le début du financement de l’Atlantic nouvelle génération.
Il y a lieu de constater que, pour les constructions neuves de la flotte, la progression est de 49 %, ce qui permet de commander la construction de 17 300 tonnes de bâtiments, alors que le tonnage commandé était de 9 500 t en 1980. Cet effort est donc très important. Il est à rapprocher du niveau de 12 000 t annuelles nécessaires pour assurer un renouvellement harmonieux de la flotte.
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Les rapporteurs, tant de la commission des Finances que de celle de la Défense nationale, font apparaître unanimement que le budget de la section Marine traduit incontestablement la volonté du gouvernement de réaliser un effort tout particulier pour rattraper les retards dont souffre la Marine. La progression des autorisations de programme pour les constructions neuves de la flotte et l’ouverture d’un article pour le service public sont particulièrement soulignés.
Les orateurs relèvent cependant un certain nombre d’insuffisances.
M. Cressard constate que, malgré la progression notable par rapport à 1980 de l’ensemble du budget, les chiffres cachent un manque à gagner en pouvoir d’achat de l’ordre de 10 % du budget présenté par rapport aux prévisions de la Loi de programmation.
MM. Cabanel et Tourrain souhaitent que 4,5 % du PIBM soient pris comme base du budget 1985, et M. Tourrain estime que la maquette 2000, objectif à long terme de la Marine, ne pourra être atteinte dans des délais satisfaisants que si chaque année la Marine bénéficie d’un accroissement raisonnable de son budget.
L’inquiétude de MM. Rossi et Tourrain se porte principalement sur l’insuffisance des crédits destinés à l’entretien de la flotte, qui ne suffiront pas à résorber le déficit actuel et nécessiteront d’étaler, d’alléger ou de supprimer un certain nombre de carénages. Il en va de même pour le prix des carburants, pour lesquels M. Bechter demande qu’une nouvelle structure budgétaire soit prévue dans la prochaine Loi de programmation, afin qu’ils soient isolés du Titre III.
La plupart des orateurs inscrits au cours des 3 séances interrogent le gouvernement sur l’avenir de la Force océanique stratégique (Fost). Dans sa réponse, le ministre de la Défense précise que ce problème fera l’objet des études destinées à préparer la Loi de programme de 1982.
Le ministre insiste par ailleurs sur le fait que l’avenir de la Marine est très précisément fixé dans le cadre des objectifs à long terme arrêtés par le président de la République en 1978, et qu’il faut tenir compte en outre de la récente décision de lancer 2 nouveaux porte-aéronefs de 32 000 à 35 000 tonnes.
Pour répondre à une question de M. Berest, le ministre indique que le premier porte-aéronefs sera construit à Brest, et que des crédits prévus pour réaliser la modernisation de l’arsenal de Brest en vue de cette construction sont inscrits au budget de 1981.
Parmi les réponses aux questions des orateurs, il faut noter en particulier celle qui a trait à l’insuffisance des effectifs et au sous-encadrement de la Marine, soulignés par Monsieur Paecht.
Le ministre reconnaît le bien-fondé de cette question et indique que les études en cours montrent la nécessité de renforcer l’encadrement technique et que les effectifs actuels ne permettent pas de faire face autant qu’il serait souhaitable aux perspectives à moyen terme. Les moyens les plus adaptés pour une évolution lente des effectifs sont à l’étude.
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Dans la conjoncture économique actuelle, l’effort fait au profit de la Défense et, à l’intérieur de celle-ci, au bénéfice de la Marine, est particulièrement sensible et doit être souligné.
Dans les affaires de la mer, la persévérance est un facteur fondamental. La maquette Marine 2000 fixe les objectifs à long terme, et la Loi de programmation 1977-1982, dont la réalisation se poursuit au fil des budgets, est le garant du souci du gouvernement de conserver à la France une marine à la taille de ses ambitions politiques.
Or tout laisse à penser que l’utilisation et l’exploitation des mers joueront un rôle primordial dans l’âpre et dangereuse compétition mondiale qui se profile dans les décennies à venir. La France, dont la volonté affichée est de ne pas être le spectateur passif de l’évolution du monde, se doit de posséder les moyens maritimes qui lui permettront de tenir sa place et remplir le rôle de la puissance libre et maîtresse de son destin qu’elle veut continuer à être. ♦