Les trois inventeurs méconnus
Nous savions l’importance du rôle joué par nos compatriotes dans l’exploration des fonds marins. Tous les Français connaissent en effet le nom de Cousteau et beaucoup celui de ses compagnons Taillez et Dumas qui, au cours des années 1940, ont été les pionniers de la plongée sous-marine autonome. Ce sont eux, équipés de l’appareil respiratoire Cousteau-Gagnan, et ensuite leurs émules, qui ont progressivement atteint les profondeurs d’environ 500 mètres auxquelles les plongeurs autonomes sont maintenant parvenus.
C’est aussi grâce à eux et à leurs disciplines qu’ont pu être précisés les phénomènes physiologiques complexes de la plongée profonde, lui permettant ainsi de cesser d’être une aventure pour devenir d’un emploi courant dans les travaux sous-marins, comme eux, par exemple, nécessités par l’exploitation du pétrole offshore.
Nous ne savions pas généralement (en tout cas je ne le savais pas) que l’inventeur du scaphandre autonome à régulateur à gaz, l’ancêtre direct de l’appareil Cousteau-Gagnan, datait des années 1860, donc il y a beaucoup plus d’un siècle, et qu’elle avait pris naissance, curieusement, au plus profond du Rouergue et sur les bords du Lot. C’est en effet un ingénieur des mines de Decazeville, Benoît Rouquayrol, qui a imaginé, le premier, un appareil respiratoire reposant sur ce principe, afin de secourir les victimes des coups de grisou. C’est son compatriote aveyronnais, le lieutenant de vaisseau Auguste Denayrouse, qui l’a adapté au milieu sous-marin, d’abord dans le Lot, et ensuite aux bains Henri IV à Paris. Jules Verne avait connaissance de cet appareil puisqu’il en équipa le capitaine Nemo et ses compagnons pour leurs longues promenades sous la mer.
Si le capitaine de vaisseau Jacques Michel nous raconte ces aventures dans un style très agréable et avec la rigueur scientifique qu’il doit à son expérience d’historien, c’est par intérêt pour tout ce qui concerne la mer, mais c’est aussi par attachement à son terroir originaire de Saint-Come-d’Olt, village de la haute vallée du Lot. Il a entrepris de faire connaître aux Français les personnalités marquantes de sa contrée. Il a ainsi déjà raconté, dans un ouvrage très remarqué puisque couronné par l’Académie française « La vie aventureuse et mouvementée de Charles-Henri, comte d’Estaing », celui qui fut colonel, puis corsaire, puis général, puis amiral, grade dans lequel il combattit aux Amériques assez malheureusement d’ailleurs, avant de mourir sur l’échafaud. La petite ville d’Estaing est également située aux bords du Lot, non loin de Saint-Come-d’Olt, et non loin d’Espalion d’où étaient originaires Benoît Rouquayrol et Auguste Denayrouse, ainsi que le frère de ce dernier, Louis Denayrouse, qui est le troisième inventeur méconnu dont Jacques Michel nous raconte, avec talent, la vie extraordinaire et les découvertes, celles-ci concernant l’éclairage par arc voltaïque et les hydrocarbures.
Dans cet ouvrage, Jacques Michel profite de l’occasion que lui offrent ses compatriotes inventeurs du scaphandre autonome, pour faire le point des réalisations françaises dans l’exploration sous-marine, avec des textes très clairs et de très belles photographies. Il s’agit en effet d’une technologie appelée certainement à un rapide développement en raison des richesses considérables encore inexplorées que recèlent les océans. C’est un domaine dans lequel, fort heureusement, notre pays se trouve en avant-garde de l’innovation et du savoir-faire. Il faut maintenant souhaiter que nous sachions exploiter cet atout au plan économique, comme nous le commande la situation. ♦