Afrique - Nigeria : sa puissance utilisée non méfiance - Ghana : retour du pouvoir du capitaine Rawlings, le Justicier
Début novembre, tandis que se déroulait comme chaque année une conférence franco-africaine, conférence qui examinait, entre autres sujets, la situation du Tchad, le colonel Kadhafi annonça que ses troupes avaient reçu l’ordre d’évacuer ce pays. Cette déclaration provoqua stupeur et inquiétude. Stupeur : l’opinion ne s’attendait pas à autant de sagesse de la part d’un chef d’État qui l’avait habituée à plus de mordant et d’inconscience. Inquiétude : le vide ainsi ouvert sans préavis ne pouvait que favoriser la reprise des luttes entre factions, luttes que l’appui apporté par les forces libyennes au gouvernement provisoire de M. Goukouni Oueddei avaient suspendues sans que, pour autant, eût été réglé concrètement le différend qui séparait les Musulmans du Nord et ceux de l’Est. Certains mauvais esprits pensèrent que la précipitation du colonel Kadhafi cachait peut-être l’espoir de faire la démonstration que le Tchad était incapable de connaître la paix hors du protectorat de la Libye. Ils oubliaient que l’intervention militaire n’est pas le moyen que le président libyen souhaite utiliser pour appuyer sa politique ; il désire fonder davantage celle-ci sur l’imprégnation spirituelle de petites communautés religieuses locales et sur la normalisation de coutumes adaptées aux peuples qu’il espère conquérir.
Malgré les apparences, Tripoli ne manque pas de réalisme. Ce gouvernement, dans l’affaire tchadienne, sentait qu’il avait le pouvoir de maintenir la sécurité pendant un temps indéterminé mais qu’il ne posséderait jamais les moyens matériels et humains de remettre en route l’administration et l’économie d’un pays naturellement pauvre et de surcroît ravagé par la guerre. Maintenir une armée dans de telles conditions aurait conduit à lui faire perdre le bénéfice de nombreuses années de prosélytisme spirituel qui avait tendu à développer une clientèle de sympathisants plus qu’à établir une suzeraineté temporelle. Par ailleurs, il semble que le Nigeria ait exercé une certaine pression sur Tripoli ; il aurait menacé de bouder le prochain sommet de l’OUA, qui devait se réunir dans la capitale libyenne, si la Libye ne retirait pas ses troupes du Tchad. Cette influence supposée représente du moins un des arguments avancés par Lagos pour obtenir que l’OUA lui confie la direction de la force interafricaine d’intervention.
En raison des prétentions nigérianes, cette force de 6000 hommes ne put s’organiser que lentement. Projetée dès le début novembre, elle ne parvint pas à être rendue opérationnelle avant le 17 décembre : Lagos, qui fournissait le principal contingent, voulait que, placées sous le commandement d’un général nigérian, les troupes fussent rassemblées à Maïduguri, capitale du Bornou, un des États de la Fédération limitrophes du Tchad, afin de perdre, en s’accoutumant à une autorité émanant de l’OUA, une partie de leur caractère national et de gagner en cohésion. L’exigence ne convenait pas aux autres participants, qui désiraient garder à l’intervention son caractère interafricain et faire oublier qu’en raison de sa position géographique, le Nigeria pouvait avoir intérêt à exercer une influence particulière et personnelle sur la politique tchadienne. Aucun des autres États fournissant un contingent, que ce soit le Sénégal, la Guinée, le Bénin, le Togo ou le Zaïre, n’a une frontière commune avec le Tchad. En effet, l’offre de Khartoum de participer à l’intervention avait été repoussée, en raison sans doute de l’aide que ce gouvernement était soupçonné d’apporter aux Forces armées du Nord (FAN) de M. Hissène Habré, lesquelles, depuis l’évacuation des troupes libyennes, avaient repris jusqu’à Abéché le contrôle de la région orientale, voisine du Soudan.
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