Président du Centre national d’études spatiales (Cnes), l'auteur, professeur, retrace ici les efforts de notre pays pour se doter des moyens d'une politique spatiale cohérente et pour promouvoir une Europe de l'espace seule capable de fournir à la fois aux applications par satellites (télécommunications, télévision, météo, transports, etc.), la dimension minimale qu'elles nécessitent et l'indépendance qu'implique la personnalité européenne. Il définit les options qui s'offrent à l'Europe face aux entreprises américaines en ces domaines vitaux.
La politique spatiale de la France
La France est le seul pays d’Europe qui ait cherché à réaliser une certaine cohérence de ses activités spatiales, et en créant, en 1962, le Centre National d’Études Spatiales, elle entendait se doter de l’instrument nécessaire à une promotion dynamique de ces activités dont on mesurait encore mal l’évolution et les implications, mais dont apparaissait déjà clairement l’importance capitale. Faut-il en conclure que notre pays s’était ainsi donné les moyens d’une véritable politique spatiale ? Une telle conclusion mérite d’être nuancée.
Ce fut certainement le cas au cours des premières années : l’ambition de la France était alors seulement de se préparer à jouer un rôle dans les développements plus ou moins prévisibles du spatial et cette politique de présence a été conduite avec détermination et succès. La mise en place des infrastructures spécialisées et la création des compétences nécessaires dans les administrations et dans l’industrie ont été menées avec un dynamisme exemplaire et ont connu une réussite certaine. Rapidement la France s’est indiscutablement affirmée comme la troisième puissance spatiale mondiale, certes assez loin des deux premières, mais nettement en tête de toutes les autres. Elle l’est encore aujourd’hui, et le prestige, les retombées industrielles, l’influence que lui vaut cette position, sont très appréciables et sont encore aujourd’hui bien exploitées.
Cependant, c’est seulement vers la fin des années 60 que les applications pratiques de l’Espace furent appréciées avec toutes leurs conséquences politiques, économiques et sociales, notamment par le biais de la collecte et du transfert des informations. Mais il devenait clair en même temps que l’utilisation de ces applications dans des domaines aussi variés que le téléphone, la météorologie, l’océanographie, l’agriculture, la télévision, la transmission des données, le guidage des aéronefs, etc., débordaient, même pour de très grands pays, le cadre d’une entreprise purement nationale. Dès lors se posait pour la France, comme pour les autres pays, le problème de valoriser son acquis dans un cadre plus large. Deux politiques étaient théoriquement possibles : ou bien miser sur l’Europe et fondre notre potentiel national au sein d’une entité européenne de dimension suffisante ; ou bien jouer notre carte nationale dans le concert mondial en appuyant notre jeu sur des coopérations bilatérales actives.
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