Afrique - Zimbabwe : un pari difficile à tenir - L'armée sud-africaine n'exclut plus une confrontation directe avec le Mozambique ou l'Angola
Au Zimbabwe, si le pouvoir politique appartient désormais à la majorité noire, ou plus exactement à une fraction de cette majorité, les décisions économiques restent encore pour longtemps, si l’on veut éviter d’accentuer la crise, du ressort d’une minorité de la minorité blanche ; le commerce extérieur dépend de la bonne volonté du voisin sud-africain, qui assure les communications de 80 % de son transport.
La prédominance des Blancs n’est pas seulement vérifiable en matière industrielle ; elle le demeure en agriculture, malgré la promesse faite avant l’indépendance par les deux mouvements de libération, le premier dirigé par M. Mugabe, l’actuel Premier ministre, le second par M. Nkomo. Cinq mille fermiers européens possèdent toujours près de 50 % des terres cultivées, tandis que 600 000 familles africaines à la nombreuse progéniture se partagent l’autre moitié. Le gouvernement n’ignore pas que cette situation ne saurait être modifiée sans une réforme de longue haleine, du moins s’il veut éviter une catastrophe dans un pays dont le simple maintien du niveau de vie dépend de la prospérité de l’agriculture. En effet, une nationalisation des terres provoquerait l’effondrement de la production agricole et le chômage dans un secteur de l’emploi qui représente presque 40 % de la main-d’œuvre africaine. D’autre part, M. Mugabe s’est engagé, par l’Accord de Lancaster House, à indemniser les fermiers expropriés sur un fonds alimenté par la Grande-Bretagne, les Pays-Bas et le gouvernement zimbabwéen. Londres ne peut consacrer annuellement que 30 millions de livres sterling à l’acquisition des terres et à leur remise à des exploitants africains, somme à laquelle il faut ajouter une partie, environ 1,7 milliard de dollars, des dons du ZIMCORD (Zimbabwe Conference on Reconstruction and Development). Les crédits dont on dispose ne permettent donc pas une modification rapide des propriétés rurales au profit des Africains.
C’est la raison pour laquelle un certain nombre d’Africains, que l’on évalue au mieux à 15 000 personnes, au pire à 60 000, s’est installé sur les terres vacantes de fermes en exploitation, plaçant le gouvernement devant le dilemme : ou laisser faire et provoquer l’affolement des milieux blancs dont la présence est encore nécessaire, ou sanctionner les occupations illégales en mécontentant l’opinion africaine et en déclenchant les réactions des sections locales de la ZANU (Zimbabwe African National Union), le propre parti de M. Mugabe, qui ne peut guère laisser à la ZAPU (Zimbabwe African People’s Union) de M. Nkomo le privilège de défendre les squatters mécontents. On sait que les principales crises survenues depuis l’indépendance proviennent de la coexistence difficile des deux mouvements de libération, parce que ceux-ci représentent non seulement des tendances socialistes différentes mais aussi des ethnies traditionnellement hostiles.
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