Afrique - Tanzanie : le pragmatisme au service d'une idéologie originale - Les thèmes développés par le président Mitterrand en Afrique
De tous les pays africains colonisés par les Britanniques, la Tanzanie est le moins connu de l’opinion française, le moins anglicisé et le plus sensible aux conditions d’un socialisme africain qui trouve sa substance non seulement dans les traditions coutumières mais encore dans les théories d’importants économistes français. Pour M. Nyerere, le développement n’a pas seulement pour but de parvenir à équilibrer les échanges, mais il vise à construire une société plus juste et à promouvoir l’esprit national à partir de la reconnaissance de la personnalité particulière du pays.
L’un des États les plus peuplés d’Afrique avec près de 15 millions d’habitants, la Tanzanie connaît cette particularité de ne posséder aucune ethnie dominante et d’être formée de 126 petites tribus à la recherche d’une identité commune. Colonisée d’abord par l’Allemagne, puis placée sous la tutelle de la Grande-Bretagne, elle a eu, moins que d’autres, l’occasion d’adopter une culture étrangère et a dû trouver en elle-même les sources de son évolution culturelle ; sa fédération avec Zanzibar, qui compte moins d’un demi-million d’habitants mais qui appartient depuis des siècles au monde musulman et à l’ensemble économique proche-oriental, a augmenté la volonté de ses élites de créer une personnalité originale. À son indépendance, la Tanzanie était le pays le moins scolarisé d’Afrique avec 40 % de la population dont seulement 8 % poursuivaient des études au-delà du primaire ; de plus, quatre différents systèmes d’enseignement, réservés respectivement aux Européens, aux Indiens, aux Arabes et aux Africains, augmentaient la confusion, mais ont permis d’inventer un système original qui pût s’appliquer à toutes ces catégories humaines sans imposer une formation conçue par un peuple étranger ; d’où, naturellement, une plus grande facilité de diffusion d’une conscience nationale.
L’adoption, en 1967, du swahili comme langue officielle, dont l’usage avait envahi insensiblement tout le territoire durant la colonisation britannique, et surtout la création d’un Institut de recherches sur cette langue vernaculaire, organisme chargé d’en fixer la grammaire et de créer un vocabulaire scientifique, constituèrent une véritable révolution culturelle que ne connut aucun autre pays d’Afrique et qui fut l’œuvre personnelle du Mwalimu Nyerere (« maître d’école » en Swahili).
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