Aéronautique - Réflexion sur l'avionique : évolution
Depuis quelques années, les équipements et les systèmes des avions, civils ou militaires, paraissaient n’évoluer que très lentement. Il semblait même que des limites aient été atteintes et qu’il devenait difficile, voire impossible, de prendre en compte des besoins nouveaux – besoins imposés pourtant par la complexité croissante des missions et les charges de travail qui en résultent ; qu’il s’agisse, pour les équipages civils de navigation, de zone ou d’approche dans des zones terminales de plus en plus encombrées ou, pour le pilote militaire, de navigation basse altitude tout temps, d’interception autonome ou d’emploi de contre-mesures.
Ces limites apparentes procédaient à la fois de l’utilisation des techniques analogiques pour les équipements et de la juxtaposition, à bord des avions, de boîtes noires, indépendantes les unes des autres, de plus en plus nombreuses.
Ainsi, sur la plupart des avions actuellement en service, les matériels ne sont pratiquement pas reliés entre eux, les échanges de signaux s’effectuent par l’intermédiaire de fils individualisés, et chaque paramètre significatif possède son indicateur propre dans la cabine. Certes, la miniaturisation des cadrans a permis de repousser quelque peu le problème, et la place ainsi gagnée sur la planche de bord a autorisé la présentation d’informations nouvelles, mais aujourd’hui la saturation est pratiquement atteinte.
La situation n’est pourtant pas critique, car l’apparition de techniques nouvelles a permis de réaliser des progrès considérables en matière d’équipements et a même provoqué une modification des concepts.
Il s’agit essentiellement du développement des techniques digitales et de visualisation. Les premières ont permis la réalisation d’équipements aptes au dialogue permanent par l’intermédiaire du Digibus, cette fameuse voie d’échange de données sur laquelle transitent toutes les informations disponibles par utilisation du multiplexage. Les secondes ont autorisé la présentation synthétique et simplifiée au pilote des seules informations qui lui sont nécessaires pour la phase de vol considérée.
S’agissant des concepts, on cite à présent l’intégration de systèmes et le contrôle automatique généralisé – ce dernier permettant d’ailleurs de dépasser le cadre traditionnel de la conception des avions pour déboucher sur la définition de gouvernes différentes. Souhaitant aujourd’hui limiter mon sujet aux équipements, je traiterai de ces concepts dans une prochaine chronique.
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L’application aux équipements des techniques digitales n’est pas, en soi, un phénomène très nouveau ; par contre, l’une des sources de progrès réside dans l’accroissement extraordinaire des performances des composants, qu’il s’agisse des capacités de calcul ou des capacités mémoire. Les possibilités de traitement s’en sont trouvées considérablement augmentées, et il est devenu possible d’aborder des problèmes aussi complexes que l’optimisation des trajectoires par exemple.
L’autre source de progrès, et c’est peut-être la plus importante, provient du fait que les structures des ordinateurs ont été véritablement transposées aux systèmes embarqués. En effet, schématiquement, un ordinateur regroupe des unités de traitement, des mémoires, des unités périphériques telles que lecteur de cartes, imprimantes, consoles, toutes reliées entre elles par des lignes d’échange d’ordres et de données, les bus, elles-mêmes gérées par une unité spéciale appelée unité de gestion, chargée d’autoriser les échanges et de les synchroniser. Le système d’avionique moderne est structuré de la même façon : la ligne d’échange est le Digibus, gérée par une unité spéciale, le moniteur de Bus ; au Digibus sont reliés :
– une unité de traitement,
– une mémoire,
– des sous-systèmes particuliers, tels que :
• le système de navigation,
• le système de pilotage,
• e système d’armement,
• le système de visualisation,
• le système d’alarmes,
• le système de contre-mesures.
Cette structure se retrouve sur le Dassault Mirage 2000 et le Breguet Atlantic nouvelle génération. Son avantage est évident : la souplesse d’emploi. En effet, l’introduction d’une modification peut s’effectuer par un simple changement de programme, l’adjonction d’un sous-système est relativement aisé sans altérer l’ensemble ; s’il possède le coupleur adapté, le fonctionnement en mode dégradé est possible.
Cette évolution de l’avionique peut être plus facilement perçue par l’examen succinct de deux sous-systèmes particuliers : la navigation et la visualisation.
Le système de navigation a considérablement évolué avec l’apparition des techniques inertielles et des moyens universels tels que NAVSTAR ou Omega, et aujourd’hui l’inertie s’est imposée dans tous les programmes récents (Dassault Super-Étendard, Mirage 2000, Atlantic nouvelle génération). En effet, les seuls capteurs permettant d’avoir des précisions de vitesse et de verticale compatibles avec les systèmes d’armes modernes sont les gyroscopes ou gyromètres de qualité inertielle ; on pourrait même aller jusqu’à dire que la navigation proprement dite n’est plus la finalité essentielle de ces capteurs.
Le niveau atteint par l’industrie nationale est très satisfaisant, car la centrale à inertie du Mirage 2000 a des performances comparables à celles des avions américains les plus récents tels que les McDonnell Douglas F-15, General Dynamics F-16, McDonnell Douglas F-18.
De plus, les progrès enregistrés dans les technologies de base permettent d’envisager dans un proche avenir des systèmes de performances équivalentes, mais moins onéreux et plus fiables. Il s’agit des systèmes à composants liés, ou Strapdown, dans lesquels les composants inertiels sont fixés à la structure même de l’avion et non plus, comme sur une centrale classique, placés sur une plate-forme, asservie à l’horizontale du lieu quels que soient les mouvements de l’appareil.
Les avantages de ces systèmes sont les suivants :
– volume et poids réduits,
– maintenance aisée,
– une redondance importante peut être obtenue sans multiplication des équipements,
– les informations sont utilisables directement par le système de pilotage,
– adaptation parfaite aux techniques numériques.
Certes, la puissance de calcul nécessaire est considérable, mais ce n’est plus, de nos jours, un problème majeur.
Le système de visualisation qui désigne communément l’ensemble des moyens de présentation des informations à l’équipage, autres que les instruments classiques, est incontestablement celui auquel les avions futurs feront le plus appel.
La façon dont sont présentées au pilote les informations de pilotage, de navigation ou de tir, contribue pleinement à la réussite de la mission. Il est donc nécessaire que ces informations soient sélectionnées pour ne conserver que celles qui sont utiles à la phase de vol considérée et qu’elles soient synthétisées pour que leur interprétation soit la plus aisée possible.
Ainsi, les informations relatives aux tâches à court terme se rapportent au pilotage, à la sécurité immédiate, aux menaces, aux possibilités de l’armement, etc. Elles pourront faire apparaître par exemple l’incidence, les ordres de suivi de terrain, l’énergie totale, la hauteur de garde et les alarmes de dégagement, la route à suivre, les possibilités de tir… Elles sont particulièrement importantes quel que soit le mode de pilotage choisi, manuel ou automatique, et seront donc collimatées pour être superposables au monde extérieur et reprises sur un équipement tête basse en les superposant par exemple sur une découpe site-distance fournie par le radar de suivi de terrain.
Les informations relatives aux tâches à moyen terme se rapportent à la conduite de l’avion : navigation, évolutions, conduite moteur. Il s’agira alors de présenter le point calcule sur une carte géographique ou radar avec indication des points de recalage, de changement de route ; on pourra y ajouter les paramètres temps restant, vitesse, pétrole restant, etc.
Les systèmes actuels en service ou à l’étude reposent sur la mise en œuvre de tubes cathodiques monochromes ou trichromes, d’écrans cathodiques plats, de cristaux liquides, de diodes électroluminescentes.
Les techniques ont permis de présenter les informations nécessaires avec un degré de simplification étonnant : il est maintenant possible de présenter simultanément une carte géographique, une image radar, une symbologie. De plus, les radars modernes étant équipés d’une mémoire numérique, des informations complémentaires peuvent être stockées et reproduites sur le tube dans les créneaux de temps alloués. Les progrès réalisés sont remarquables. Nous verrons, dans une prochaine rubrique que la modification des concepts, précédemment évoquée, présente également des perspectives d’avenir considérables. ♦
(À suivre…)