Institutions internationales - Réflexions atlantiques - Marchandage sur les euromissiles - Le Fonds monétaires international (FMI) et les dettes mondiales
L’année 1982 s’est terminée dans l’inquiétude. Le 10 décembre 1982 à Bruxelles, les ministres des Affaires étrangères des pays membres de l’Alliance atlantique ont estimé que 1983 sera « une année difficile ». Les tensions ne s’apaisent pas, et les difficultés économiques provoquent des tentations protectionnistes qui ne favorisent pas les relations entre les pays non communistes. Le remplacement de M. Leonid Brejnev par M. Youri Andropov a ouvert une période d’incertitude car, en dépit de la puissance du système, la politique soviétique reste influencée, au moins dans ses formes, par la personnalité de ceux qui la mènent.
Très vite, M. Andropov a commencé à bouger quelques pièces du jeu dont il est maintenant le maître : après le limogeage du ministre des Chemins de fer, puis le remplacement du chef des jeunesses communistes et du responsable de la propagande du Parti, le 17 décembre 1982, le changement a atteint les organes de police, avec le remplacement du chef du KGB (Comité pour la sécurité de l’État) et du ministre de l’Intérieur. Pour limitées que soient ces mutations, il en est une qui a plus particulièrement retenu l’attention : M. Heydar Aliyev, ancien chef du KGB en Azerbaïdjan, et maintenant le « numéro 2 » du gouvernement de Moscou. Or, Youri Andropov était, jusqu’au printemps 1982, le chef du KGB. On assiste ainsi, semble-t-il, à un renforcement du pouvoir politique de la police. Dans le même temps, l’Armée prend des initiatives politiques. C’est l’adjoint du maréchal Nikolaï Ogarkov, Chef d’état-major des armées, le général Valentin Varennikov qui, dans les Izvestia, a annoncé que l’URSS accroîtrait ses « moyens de défense » si les États-Unis mettaient en place les engins MX (Missile-eXperimental). Il confirmait ce que, trois semaines plus tôt, avait déclaré le maréchal Dimitri Oustinov, ministre de la Défense. Le Politburo, lui, veut que des activités soient mieux connues : il a incité les citoyens soviétiques à faire part de leurs doléances et à dénoncer les responsables locaux de deux maux dont Moscou prend conscience, les malversations et la corruption. Police-armée-parti : nul ne peut prédire comment évolueront les rapports entre ces trois éléments de la trilogie soviétique. Mais, à l’occasion du 60e anniversaire de la fondation de l’URSS, le 30 décembre 1922 (depuis 1917, les dirigeants bolcheviks rêvaient d’une République unitaire) M. Youri Andropov a pris une initiative diplomatique : comme l’avait fait plusieurs fois M. Leonid Brejnev, il a proposé une réduction des armements nucléaires. C’est ainsi dans le domaine militaire que le nouveau chef de l’URSS a fait son entrée sur la scène internationale.
Réflexions atlantiques
À peine les réunions atlantiques de Bruxelles étaient-elles terminées que le secrétaire d’État George Shultz s’est rendu dans plusieurs capitales européennes, où se posent des problèmes particuliers. À La Haye, le gouvernement lui précisa qu’il n’y avait pas de « divergences majeures » à propos de l’installation d’euromissiles sur le territoire néerlandais, en dépit de la pression des organisations « pacifistes » et de celle des certaines formations religieuses. À Rome, il s’entretint avec Jean-Paul II et avec les dirigeants politiques : l’« Affaire bulgare » (tentative d’assassinat du pape Jean-Paul II le 13 mai 1981) occupa une bonne part des conversations. C’est à Paris et à Madrid que les entretiens eurent le caractère le plus nettement politique. Les propos tenus par M. François Mitterrand à propos de la défense européenne – qu’il s’agisse de la « conception commune de défense » avec la RFA (République fédérale d’Allemagne), de la notion de « sanctuaire élargi » ou des conséquences, pour l’implantation du missile Hades, du projet de réorganisation de l’Armée de terre – ne pouvaient que retenir l’attention du secrétaire d’État américain, d’autant que M. Mitterrand, inquiet devant le déséquilibre des forces en Europe, se déclare toujours très favorable à l’installation des euromissiles. Mais Washington et Paris n’ont pas la même conception de ce qu’est l’Alliance. Pour Paris, il semble que celle-ci se limite à des garanties de sécurité militaire, alors que Washington semble souhaiter la concrétisation de l’article 2 du traité de Washington, qui fait de l’Alliance un ensemble ne se limitant pas à la sécurité militaire, celle-ci étant conditionnée par des solidarités dans les domaines non militaires. Les États-Unis ne sont certes pas sans reproches, mais ils n’ont pas proposé ce que l’on a appelé « un directoire économique américain en Europe ». Le porte-parole de l’Élysée a déclaré : « La France ne voit pas la nécessité, ni le bien-fondé d’un accord global concernant les échanges économiques » – il s’agissait des échanges avec les pays de l’Est. Pour Paris, l’essentiel est d’ordre militaire, pour Washington, cet essentiel est conditionné par des accords non militaires. Deux conceptions de l’Alliance apparaissent ainsi divergentes, ou du moins différentes.
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