Afrique - L'Afrique du Sud contraint-elle ses voisins à la défensive ? (suite) - Le retour de la Chine sur la scène africaine
En novembre 1982, une étude des relations de l’Afrique du Sud avec ses principaux voisins aboutissait à la conclusion que Pretoria voulait contraindre une partie de ceux-ci à adopter une attitude défensive ; l’objectif ultérieur visait peut-être à établir un climat intérieur et des conditions extérieures permettant aux projets de réforme constitutionnelle, en cours d’élaboration, d’être menés à leur terme sans trop soulever d’inquiétude dans la communauté blanche. Dans le cas particulier de l’Angola, par leurs interventions, les Sud-Africains entendaient surtout montrer aux dirigeants de Luanda que, malgré l’aide cubaine, ceux-ci ne parvenaient pas à assurer la sécurité dans la partie méridionale de leur pays. De cette manière, Pretoria acquérait un double avantage : être en mesure de marchander la cessation de son aide à l’UNITA (Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola) contre un contrôle plus rigoureux, sinon l’interdiction, des activités de la SWAPO (South-West African People’s Organisation) par les autorités angolaises ; faire admettre par Luanda qu’un des desseins de la SWAPO était d’unifier l’ethnie Ovambo, majoritaire non seulement en Namibie mais aussi dans le Sud de l’Angola. Lors de l’entrevue qui a réuni, au Cap-Vert, des représentants sud-africains et angolais, M. « Pik » Botha, ministre des Affaires étrangères, a montré, sans doute à l’aide de ces arguments, que les intérêts du régime dirigé par le MPLA (Mouvement populaire de libération de l’Angola) à Luanda et du gouvernement mis en place par Pretoria à Windhoek étaient identiques, quelles que fussent les différences idéologiques qui caractérisaient leurs deux pouvoirs. Parallèlement, le gouvernement américain tint le gouvernement soviétique au courant de ces entretiens en cherchant à obtenir de Moscou un retrait des forces cubaines d’Angola contre une diminution progressive de l’Armée sud-africaine en Namibie.
Dans les autres pays frontaliers, les interventions sud-africaines cherchent à neutraliser les éléments de l’ANC (African National Congress) interdit en Afrique du Sud, éléments qui s’y trouveraient réfugiés et plus ou moins protégés par les gouvernements en place. C’est le cas au Zimbabwe et au Mozambique. Les anciens protectorats britanniques du Swaziland, du Basutoland et du Bechuanaland, les deux derniers devenus le Lesotho et le Botswana, posent chacun des problèmes particuliers. Dès la période coloniale, ils ont été mêlés de manière différente à la vie sud-africaine, bien qu’ils aient été créés de la même façon pour protéger contre l’influence des immigrants des populations ayant des institutions dont les autorités britanniques avaient pu constater la valeur. Collectivement toutefois, ils représentent le résultat auquel peut aboutir le « développement séparé » de populations appartenant à un même ensemble économique, doctrine que la formation des bantoustans a systématisé depuis le départ de l’administration britannique.
À l’origine, ces protectorats avaient été limités à des régions relativement inaccessibles et étaient destinés à servir de noyau au regroupement d’une ethnie déterminée dont les membres étaient dispersés sur une plus large zone. Cette situation a créé bien entendu de nombreux contentieux, d’abord entre les protectorats et le territoire sud-africain, puis entre les protectorats devenus indépendants et les bantoustans en cours de création. Elle rendait nécessaire la présence d’une autorité d’arbitrage que le parti nationaliste, une fois parvenu au pouvoir, s’est contenté de maintenir, quoique sa position ait été différente de celle d’un gouverneur général, les intérêts de la couronne britannique étant moins directement concernés que les siens. Avec l’autonomie des bantoustans, Pretoria a été davantage en mesure de prononcer un jugement serein dans les cas litigieux mais la complexité du système a vite conduit à une certaine impuissance. On l’a constaté récemment quand la Cour suprême sud-africaine a dénié à M. Botha le droit de céder une partie du bantoustan Zoulou au Swaziland pour permettre à cet État d’accéder à l’océan Indien en dehors du territoire mozambicain pour renforcer son indépendance à l’égard de l’ancienne possession portugaise. Le même tribunal serait en droit d’opposer un jugement identique à la cession au Swaziland d’un petit district du Lebowa peuplé pourtant de 800 000 Swazis.
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