Sociologie des relations internationales
Ce livre, publié dans la collection « Études politiques, économiques et sociales » sous le patronage de la Fondation nationale des sciences politiques, est en fait la 3e édition entièrement revue et mise à jour d’un ouvrage dont l’édition précédente remonte à 6 ans. Comme l’explique le professeur Marcel Merle lui-même dans son avant-propos, il lui a fallu non seulement incorporer des éléments nouveaux mais aussi les fruits d’une réflexion étendue sur un aussi long délai et d’une « saine et nécessaire autocritique », ce qui a amené l’auteur à récrire presque entièrement son ouvrage.
La structure générale n’a pas changé. Marcel Merle nous emmène d’abord à travers les différentes approches des relations internationales, moralistes, politiques, juridiques, philosophiques, celles aussi des économistes et des scientistes. Ceci permet de passer en revue les thèses d’un grand nombre d’écrivains et de penseurs, de Saint Thomas d’Aquin à James Burnham, en passant par Thomas Hobbes et Raymond Aron. Sont ensuite étudiées les méthodes d’observation et d’interprétation qui constituent la méthodologie de l’étude. Le livre nous présente ensuite une grande fresque où sont successivement passés en revue le milieu international, les acteurs et le système international lui-même. Dans cette dernière partie, Marcel Merle consacre un certain nombre de pages à la violence en distinguant un certain nombre de formes de guerres, les situations conflictuelles ou tensions, mais aussi la violence structurelle où les dominations se traduisent par des emprises indirectes sur les structures internes des pays dominés. Notons également que, dans la description du milieu international. Marcel Merle commence par l’espace qu’il relie à la richesse et à la puissance, et où il introduit des notions de géopolitique et de géostratégie.
In fine, Marcel Merle se demande si l’état actuel du système international est radicalement nouveau ou si ce système diffère radicalement des systèmes socio-politiques déjà connus. Il pense que les problèmes nouveaux se situent au niveau des conditions de fonctionnement, car le système international réel couvre maintenant tout l’espace terrestre, et il n’y a plus d’espace disponible. Il y a une tendance au rééquilibrage des forces mais les mutations sont très lentes. Le blocage nucléaire laisse le champ libre aux stratégies indirectes. Le fragile équilibre actuel risque de faire place soit à une explosion suicidaire soit à l’installation d’une puissance dominante, situation sans précédent dans les relations internationales.
Il est cependant dommage de trouver dans ce livre, très intéressant par ailleurs, quelques inexactitudes dans le domaine purement militaire. Qu’il existe une concurrence permanente entre les trois armées (et non armes) qui pèse sur les choix stratégiques du gouvernement est plus ou moins exact mais, grâce à notre organisation actuelle, le phénomène est en France beaucoup moins fort que dans certains pays étrangers, par exemple aux États-Unis. Par contre, c’est une erreur de dire (p. 319) que le choix du général Guy Méry comme Chef d’état-major des armées a été interprété par les marins et les aviateurs comme un désaveu de la politique de dissuasion. L’article cité pour le général Méry (Défense Nationale, juin 1976) prône simplement un certain rééquilibrage entre moyens classiques et forces nucléaires et les réactions prétendument négatives de l’amiral Marc de Joybert dans Le Monde du 16 juin 1976 vont dans le même sens. ♦