Aéronautique - Les bombes
À l’heure où les états-majors parlent de bombes intelligentes, il a semblé intéressant de revenir un peu sur le passé pour rappeler quelques créations originales de la Seconde Guerre mondiale. À cette époque, pour obtenir l’effet de destruction recherché, il s’agissait surtout de pallier le manque de précision du projectile par une augmentation considérable de sa masse.
De nos jours, les bombes modernes sont plus légères car plus précises mais certaines techniques ont été conservées comme l’accélération donnée par fusée aux bombes anti-pistes pour obtenir la vitesse d’impact nécessaire.
Le passé
Du côté britannique, les bombes subirent peu de changements depuis la fin de la Première Guerre mondiale et ce n’est qu’en 1937 que fut introduite une gamme entièrement nouvelle. Les formes mieux profilées et des ailettes de queue, entourées d’une tôle cylindrique, permettaient d’améliorer considérablement les propriétés balistiques.
En 1939, la RAF (Royal Air Force) possédait des bombes de 112 à 2 000 livres de poids nominal ; les plus nombreuses étant celles de 250 et 500 livres car elles pouvaient être lancées par tous les bombardiers de la RAF en service à l’époque.
Les bombes dont disposait la Luftwaffe étaient un peu plus légères, de 110 à 1 100 livres. Toutes avaient des parois rectilignes et des ailettes de queue entretoisées. Leur dispositif de mise à feu, électrique, faisant appel à des condensateurs et des résistances dont le réglage pouvait être modifié pour obtenir la temporisation requise.
En 1939 apparut en Allemagne une bombe de 1 000 kg (2 205 livres) avec ailettes annulaires. Le Heinkel He-111 pouvait en transporter deux sur des supports extérieurs.
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Par la suite l’évolution chez les belligérants a été très rapide et plus particulièrement en Angleterre.
L’idée d’un profil bien étudié, destiné à réduire la traînée de la bombe et empêcher sa culbute désordonnée après largage, fut abandonnée par les Britanniques dès le moment où les dimensions des bombardiers autorisaient un emport en soute fermée. La partie métallique de la bombe devenait alors un mal nécessaire, l’essentiel étant d’en réduire le poids. Le résultat fut la mise en service d’un type de bombe complètement nouveau appelé Light Case (LC). La première bombe LC avait un poids nominal de 4 000 livres (1 800 kg), c’était un fût en acier doux, très mince, rempli d’exogène, substance de fabrication simple, alliant d’excellentes qualités de sécurité à un effet explosif très puissant. La bombe de 4 000 livres fut bientôt baptisée Block Buster (ou éventreur d’immeubles) ; compagne idéale de la bombe incendiaire dans les bombardements d’agglomérations, elle fut très utilisée par le Bomber Command durant toute la guerre.
Tous les bombardiers lourds quadrimoteurs pouvaient la transporter et plus particulièrement le Lancaster dont la soute de 10 m de long était entièrement dégagée de toute ossature longitudinale ou transversale. Dès 1942, le Lancaster transportait des bombes de 8 000 livres, constituées de deux 4 000 livres boulonnées ensemble, et pour certains objectifs particuliers, une bombe appelée Tallboy. Pour cette dernière, constituée de trois 4 000 livres, il fut nécessaire d’ajouter un empennage de stabilisation.
Les deux projectiles les plus étonnants, utilisés par la RAF, résultèrent des travaux d’une équipe de Vickers dirigée par Wallis. Le premier fut utilisé contre les barrages de la Möhne et de l’Eder. Pour détruire ces barrages protégés par des filets anti-torpilles. Wallis eut l’idée d’une bombe ayant la forme d’un énorme fût transporté à demi extérieurement par un Lancaster modifié. Ce fût (Spinning Drum ou fût tournoyant) était suspendu par des supports latéraux, son axe étant disposé transversalement. Peu de temps avant l’attaque, il était mis en rotation à grande vitesse par un moteur auxiliaire placé dans le fuselage du bombardier. Larguée à 18 mètres, la Spinning Drum ricochait sur la surface du lac, franchissait les filets en ralentissant et coulait au contact de la paroi du barrage pour exploser à la profondeur requise grâce à une amorce hydrostatique.
L’autre projectile fut baptisé Earthquake ou tremblement de terre. C’était une bombe à explosif à grande puissance destinée à être utilisée contre des ouvrages massifs tels que viaducs ou hangars de sous-marins. Très bien profilée, elle possédait quatre ailettes de queue inclinées pour la mettre en rotation, un corps de forte épaisseur et un nez pointu ; son poids atteignait 10 000 kg (22 000 livres). Larguée sur des objectifs importants comme le grand viaduc de chemin de fer de Bielefeld, l’Earthquake explosait sous terre en provoquant une secousse telle que l’ouvrage était abattu. Cette énorme bombe était transportée par Boeing B-29 Superfortress et Lancaster modifié. Pour détruire les abris de sous-marins, le capitaine de vaisseau Edward Terrell de la Royal Navy avait mis au point une autre arme, la bombe Disney de 2 000 kg (4 500 livres). Cette bombe était munie d’une fusée, qui, mise en service dans les basses couches, portait la vitesse finale à environ 720 m/s, vitesse supérieure à celle de toutes les armes de cette taille, exception faite de la fusée V-2. Du côté américain, il faut mentionner la terrifiante technique consistant à remplir tout un Boeing B-17 Flying Fortress d’explosif à grande puissance et à le diriger par radio sur un objectif important. Les Fortress furent ainsi transformées en énormes missiles guidés contenant 9 000 kg d’explosif : un pilote effectuait le décollage et évacuait ensuite l’appareil qui était pris en compte par un avion dirigeur.
En Allemagne, de véritables missiles guidés virent le jour. Ainsi, le FX ou PC-1400, muni d’ailes fixes cruciformes et de déflecteurs de guidage, commandé par radio à partir de l’avion lanceur était destiné à perforer les blindages : le Henschel HS-293, moins puissant, mais de portée plus longue, était un avion miniature propulsé par fusée. Les deux armes devinrent opérationnelles en août 1943 dans les unités du Kampfgruppe 100, dotées de modèles spéciaux de Dornier DO-217 (1).
Du côté japonais, il faut citer le missile piloté Yokosuka MXY-7 Ohka, spécialisé dans les attaques suicides contre les forces américaines du Pacifique. Transporté par bombardier, le missile était libéré à 80 km environ de son objectif. Le parcours s’effectuait alors en vol plané puis, à quelques kilomètres du but, le pilote allumait des fusées qui permettaient d’obtenir en piqué une vitesse de 1 000 km/h environ. Toute la partie avant du fuselage contenait 1 200 kg d’explosif.
Enfin, bien qu’elle n’entre pas dans la catégorie des armes conventionnelles, il faut citer la dernière invention en date de la guerre, la bombe atomique.
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Ce rapide survol des innovations de la Seconde Guerre mondiale laisse apparaître le souci constant des belligérants d’obtenir un effet de destruction important, par utilisation d’une masse considérable d’explosif, avec des armes relativement rustiques et peu précises. Les progrès techniques aidant, la précision et l’efficacité des bombes actuelles a permis d’en réduire considérablement la masse qui s’échelonne à présent entre 125 et 1 000 kg. Ces bombes modernes feront l’objet d’une prochaine chronique. ♦
(1) NDLR : le HS-293 fut en particulier utilisé contre les bâtiments protégeant le débarquement de Salerne (septembre 1943), où a été coulé le croiseur HMS Penelope et endommagés le cuirassé HMS Warspite et le croiseur USS Savannah. Le HS-293 est également responsable de la perte du cuirassé italien Roma au moment de la reddition de la flotte italienne.