Décisions du XXVIe Congrès en action : Toujours prêt à défendre la patrie
En janvier et février 1982 ont été éditées quatre brochures du Haut Commandement soviétique sous le titre général : « Décisions du XXVIe congrès en action ». Les auteurs en sont le maréchal Dimitri F. Oustinov, ministre de la Défense (« nous servons la patrie et la cause du communisme »), le maréchal Viktor G. Koulikov, commandant en chef des forces mixtes du Pacte de Varsovie (« la défense collective du socialisme »), le général A.A. Épitchev, chef de la direction politique de l’Armée (titre non connu), et le maréchal Nikolaï V. Ogarkov, chef d’état-major général. Une telle convergence semble exclure des dissensions entre les dirigeants du Parti communiste de l’Union soviétique et le Haut commandement, que quelques journalistes ont cru relever.
L’ouvrage de 70 pages du maréchal Ogarkov contient un certain nombre d’idées nouvelles ou de concepts anciens formulés différemment. Il apporte des informations intéressantes sur les préoccupations actuelles du commandement soviétique : doctrine militaire, concept nucléaire, conduite de la guerre, réserves militaires, préparation idéologique et montée en puissance de l’économie en sont les points importants.
Le maréchal Ogarkov rappelle le double contenu de la doctrine militaire. Dans un conflit qui serait « le heurt décisif de deux systèmes sociaux », les rapports de force internationaux, les possibilités de l’économie, la préparation politique et psychologique du peuple auraient un poids décisif. À côté de ces facteurs socio-politiques, Ogarkov insiste sur les facteurs technico-militaires : les armements se renouvellent en pratique tous les dix à douze ans, les changements quantitatifs de la technique entraînent des changements qualitatifs, selon une loi dialectique, dans l’emploi des armes.
S’agissant du concept nucléaire, le Chef d’état-major soviétique souligne que l’URSS s’étant prononcée contre l’emploi de l’arme nucléaire, celle-ci constituerait le « recours extrême d’auto-défense » en cas d’agression occidentale. « Les forces nucléaires stratégiques, écrit-il, sont le facteur essentiel dissuadant l’adversaire ».
Dans la conduite de la guerre, seul un commandement centralisé et unifié peut réaliser la concentration de tous les efforts et la manœuvre des forces permettant de faire face à la surprise ennemie, d’où l’importance des théâtres d’opérations (TVD) et le rôle complémentaire joué par des « organes locaux » chargés de la mobilisation, de la défense territoriale et de la défense civile.
Parmi les préoccupations du commandement, la formation des réserves militaires, la préparation idéologique et politique, la mobilisation économique occupent une place particulière.
12 pages sont consacrées au problème des réserves. « Des millions de Soviétiques pourraient avoir à répondre à l’appel de la patrie ». Or les classes d’âge ne sont pas appelées en totalité au service militaire. Il importe donc que la préparation militaire, la DOSAAF (Volunteer Society For Cooperation with the Army, Aviation, and Navy) et les Komsomols (Union des jeunesses léniniste communistes), inculquent une formation militaire à tous les jeunes, de façon à disposer de réserves instruites et nombreuses, prêtes pour une mobilisation rapide.
« Deux générations n’ont pas l’expérience du combat » et ne croient pas au danger de guerre. Les organisations sociales doivent prévenir l’apparition de l’indifférence, de la passivité, du pacifisme et lutter résolument contre eux. Pour leur part, les forces armées soviétiques remplissent une mission spéciale importante : « elles forment des hommes animés d’un patriotisme ardent, des internationalistes convaincus, des constructeurs actifs du communisme ».
Une interdépendance étroite lie les forces armées, l’économie du pays et la défense civile. Il importe de planifier dès le temps de paix leur montée en puissance visant au rassemblement de toutes les ressources humaines, énergétiques, ainsi que des transports et des transmissions.
Le maréchal estime que, dans la nouvelle stratégie de Reagan, « le pari essentiel est fait sur la préparation à une guerre nucléaire prolongée ». Cette remarque et l’insistance mise sur les réserves et sur la mobilisation industrielle semblent montrer que l’hypothèse d’une guerre longue n’est pas exclue.
Quant au concept nucléaire, l’utilisation, pour la première fois dans un texte officiel (1), du mot « dissuasion » et la limitation des armes nucléaires au cas extrême de l’auto-défense indiquent une certaine inflexion de la doctrine définie autrefois par Sokolovski. De nouvelles études seraient nécessaires pour préciser le sens de cette évolution. ♦
(1) NDLR : Le mot « dissuasion » est en fait apparu pour la première fois dans un discours prononcé par Brejnev à Toula, en 1977, ou tout au moins le verbe to deter était utilisé dans la version en langue anglaise de ce discours.