Revue des revues
• La revue américaine Strategic Review, publiée par l’US Strategic Institute de Washington, contient dans son numéro de « Fall 1982 », une curieuse controverse entre Raymond L. Garthoff, ancien ambassadeur en Bulgarie, ancien directeur-adjoint du bureau des affaires politico-militaires au State Department, et le docteur Richard Pipes, professeur en congé de l’université de Harvard et spécialiste de l’histoire russe, actuellement directeur des affaires est-européennes et soviétiques au Conseil national de sécurité. Le sujet n’est pas moins intéressant que les deux protagonistes de cette controverse puisqu’il s’agit de la doctrine stratégique soviétique.
Dans un article assez ancien mais remis à jour, Raymond Garthotï essaie de soulever le voile qui masque la pensée et les intentions des Soviétiques. Il en conclut qu’à la fin des années 1960, depuis le début des négociations SALT (Strategic Arms Limitation Talks), les dirigeants politiques et militaires soviétiques en sont venus à reconnaître que, dans les conditions du moment, il existait un équilibre stratégique entre les deux superpuissances qui entraînait une dissuasion mutuelle. Cet équilibre leur paraissait d’ailleurs stable mais devait être entretenu, et un accord de limitation des armements pouvait permettre de réduire des deux côtés les dépenses militaires. En d’autres termes, Raymond Garthoff pense que les Soviétiques croient qu’une coexistence pacifique, accompagnée d’une compétition dans les domaines politique et idéologique, vaut mieux qu’une course indéfinie aux armements.
Raymond Garthoff appuie sa thèse sur l’étude de l’idéologie et de la politique soviétiques. Selon lui, « la puissance militaire est considérée comme nécessaire pour défendre la cause socialiste ; elle peut être utilisée pour la faire progresser, mais elle n’est pas perçue comme l’élément décisif qui fera avancer le processus historique qui se déroulera quand les choses seront suffisamment mûres en raison de l’action menée par les gens du pays lui-même grâce à la montée de la classe ouvrière ». Raymond Garthoff insiste sur l’aspect dissuasif des vues politiques des Soviétiques. Quant aux militaires, il pense que leur ligne est plus orthodoxe, tout en étant d’accord que la guerre nucléaire ne peut être une continuation de la politique et en insistant sur les risques qu’une telle guerre se produise. Pour eux donc, il est nécessaire d’avoir de fortes armées dans un but dissuasif. Raymond Garthoff cite une abondante littérature soviétique pour appuyer sa thèse de la dissuasion mutuelle, que les États-Unis ont dû accepter parce qu’il n’y avait pas d’autre solution dans l’état actuel de la corrélation des forces.
Il reste 81 % de l'article à lire