Aéronautique - Les bombes modernes
Comme il avait été signalé dans une précédente chronique, les progrès technologiques ont permis la réalisation de bombes plus précises et plus efficaces. Elles sont, au demeurant, beaucoup plus légères que leurs sœurs aînées apparues au cours de la Seconde Guerre mondiale car leur poids s’échelonne généralement entre 125 et 1 000 kg.
Lisses ou freinées, elles peuvent se regrouper en bombes d’emploi général, semi-spécialisées ou spécialisées.
Les différences entre les lisses et les freinées sont importantes.
– La bombe lisse atteint son objectif suivant une trajectoire balistique qui dépend pour l’essentiel de la vitesse et de l’altitude avion au moment du largage. Ainsi, la visée et la tenue des éléments de vol doivent être particulièrement précises.
Le largage peut être effectué en piqué ou en cabré. Dans le premier cas, le pilote doit respecter une altitude de sécurité qui peut être assez importante, de l’ordre de 4 000 pieds pour une bombe de 500 kg, afin d’être suffisamment éloigné de l’objectif au moment de l’explosion et d’éviter ainsi d’être endommagé par les effets de ses propres armes. Dans le second cas, le lancement peut être effectué à une distance de 3 à 5 km de la cible.
Toutefois, quel que soit le type de largage réalisé, l’avion tireur doit évoluer à proximité de l’objectif, à une altitude qui le rend particulièrement vulnérable aux défenses antiaériennes modernes.
– La bombe freinée répond au double souci de soustraire l’appareil aux défenses antiaériennes précédemment évoquées et au souffle de l’explosion. Comme son nom l’indique, elle est freinée par parachute après le lancement, qui peut être effectué à très basse altitude et à grande vitesse. D’une façon générale, l’incidence au moment de l’impact est assez grande, de 40° à 90°. Certes, l’avion tireur est contraint de survoler l’objectif mais il est en quelque sorte protégé par le couple très basse altitude grande vitesse.
Les bombes d’emploi général
Elles existent dans les deux versions, lisses ou freinées, la transformation en bombe freinée étant généralement réalisée par l’adjonction d’une fusée d’ogive à impact et d’un parachute logé dans l’empennage.
Parmi les modèles les plus caractéristiques développés en France, citons les 125 et 250 kg de la société Thomson-Brandt, le 250 kg de la Société Luchaire, les 250 et 400 kg de la société Matra.
Les bombes semi-spécialisées
Destinées essentiellement à saturer le terrain par des éclats ou projectiles divers en nombre considérable, elles sont généralement freinées.
Dans cette catégorie, citons la BAT-120 de Thomson-Brandt qui ne pèse que 36 kg et qui projette horizontalement plusieurs centaines d’éclats pré-fragmentés (800 environ) capables de percer un blindage de 12 mm d’épaisseur. De Thomson-Brandt également, les 250 kg et 400 kg, constituées de 2 ou 3 modules. Après le largage de la bombe, chaque module est extrait sous l’action d’un parachute à des instants prédéterminés ; armé de fusées à fonctionnement instantané montées sur une perche, chacun d’eux libère 700 éclats calibrés à une hauteur déterminée par la longueur de la perche. Citons également la bombe lance-grenades BLG-66 Béluga réalisée en commun par les sociétés Matra et Thomson-Brandt. Cette bombe freinée répartit 151 grenades elles-mêmes freinées par parachute, les grenades pouvant être à éclats, avec fusée percutante instantanée ou temporisée pour interdire la zone traitée, ou antichar à charge creuse.
Les bombes spécialisées ou bombes anti-pistes
À notre connaissance, les premières bombes spécialisées ont été utilisées par l’aviation israélienne, dès les premières heures de la guerre des Six Jours en juin 1967. Il s’agissait de Dibber bombs ou bombes fichantes, freinées par parachute puis accélérées par une fusée ; elles devaient rendre les pistes de l’adversaire inutilisables.
Dès le début des années 1970, la société Matra a imaginé une arme dotée d’un parachute de freinage et d’un moteur-fusée capable de lui donner une énergie cinétique élevée, elle a été baptisée Durandal. Le largage s’effectue de la même manière que celui d’une bombe freinée classique, il est possible jusqu’à une altitude minimale de 50 m, à une vitesse comprise entre 350 et 550 nœuds. La Durandal pèse 150 kg environ, dont 100 kg d’explosif, et est équipée de deux parachutes de queue. Le premier parachute sert de ralentisseur, pour permettre l’ouverture du second sans dommage. Dès que l’angle de non-ricochet est atteint, ce qui correspond sensiblement à un angle d’impact de 30 à 40°, un séquenceur libère les parachutes et allume le moteur-fusée de 9 000 daN (décanewton) de poussée. La bombe atteint alors une vitesse de 260 m/s environ. Après perforation de la dalle, la charge est mise à feu par une fusée de culot temporisée. L’effet destructif obtenu par l’explosion en espace confiné est particulièrement important : cratère de 5 m de diamètre et de 2 m de profondeur, soulèvement des dalles de béton jusqu’à 15 m du point d’impact. Le Dassault Mirage F1 et le Sepecat Jaguar peuvent emporter de 6 à 10 bombes de ce type.
La société Thomson-Brandt a mis au point la BAP-100, bombe anti-piste qui applique le même principe général de fonctionnement que la Durandal. Son poids très faible, 36 kg, permet d’en emporter en grande quantité. Le largage peut s’effectuer à cadence élevée par l’intermédiaire d’un intervallomètre. C’est en fait un chapelet de bombes qui atteint la piste, compensant ainsi une capacité de destruction unitaire plus faible que la Durandal.
Autres réalisations
– Du côté britannique, le ministère de la Défense s’oriente vers la JP-233 de Hunting Engineering. C’est un gros conteneur-lanceur ventral capable d’emporter différents modèles de sous-munitions spécialisées : bombettes anti-pistes et mines d’interdiction de zone. Les munitions sont éjectées vers le bas.
– Du côté allemand, l’équivalent du JP-233 est le MW-1 étudié par la Société MBB ; il pèse 5 t dont 4 t de munitions. Le MW-1 pourra larguer les bombes Stabo, optimisées pour la destruction des pistes. La Stabo est équipée d’un parachute et possède une double charge explosive. La première casse le béton et y ouvre une brèche, la seconde explose en profondeur. Les munitions sont éjectées latéralement. La société MBB étudie également un autre projet, le MW-X qui est en fait une version réduite de la nacelle MW-1, dotée d’une voilure, d’un propulseur et d’un système de guidage. Le MW-X serait capable de larguer des sous-munitions du type Stabo. C’est en fait une forme de missile Standoff.
– Dans le même souci de protéger l’avion lanceur, General Dynamics aux États-Unis développe une variante du missile Tomahawk pour équiper des B-52 et F-16 de l’US Air Force, l’AGM-09 H. Il devrait emporter une soixantaine de sous-munitions anti-pistes, qui, éjectées vers le haut pendant le passage du missile à très basse altitude, retomberaient verticalement, suspendues à leur parachute.
On ignore à peu près tout des réalisations soviétiques en ce domaine, mais il est évident que la destruction de nos bases serait, pour les forces aériennes du Pacte de Varsovie, un objectif prioritaire. C’est pourquoi, depuis plusieurs années, les efforts de l’Armée de l’air se sont portés vers la réalisation d’abris bétonnés pour ses avions de combat ; la mise au point de procédés de réparation rapide de piste, l’amélioration de la défense sol-air autour de ses principales installations. ♦