Mort des dictatures ?
Un beau titre que la « mort des dictatures » publiée, sous la direction du professeur Léo Hamon, par l’Association française de science politique de l’université de Paris I.
On y trouve sous la plume notamment de François Bourricaud, de Maurice Duverger, d’Hélène Carrère d’Encausse, de François Fejtö pour ne citer que ces noms-là, de très intéressants développements sur la typologie des dictatures et leurs avatars. Tous les continents y figurent, et l’Ouest comme l’Est, mais pour ceux-ci le malade montre encore beaucoup de résistance et ne paraît pas proche de sa fin.
Il est clair qu’il n’existe pas de modèle unique de dictature et qu’on ne peut donc pas trouver une manière également unique de les voir disparaître. La tradition historique, la situation intérieure et le poids extérieur se conjuguent pour faire évoluer puis disparaître la dictature, avec un retour plus ou moins rapide, plus ou moins durable vers la démocratie, ou plutôt vers une démocratie, celle qu’explique et supporte tel ou tel pays.
En France, il faut solliciter la réalité pour parler de dictature à propos de Napoléon III, même s’il doit sa couronne à un coup d’État. Quant à l’Empire libéral, il est le produit à la fois d’une certaine constante – la société politique et économique – et d’une évolution aussi bien interne qu’externe.
L’Italie sort du fascisme dans la période 1943-1947, et les facteurs internes – la guerre, la défaite, la présence des alliés – apparaissent essentiels même si l’opposition au système renaît progressivement et si l’Armée donne le coup de pouce indispensable à l’élimination de Benito Mussolini (décédé le 28 avril 1945). Après l’intermède de Pietro Badoglio (1943-1944) et un gouvernement « résistant » de courte durée (1944-1945), on assiste moins à la naissance d’un système qu’à la restauration d’une structure préfasciste dominée pour la première fois par les catholiques de la démocratie chrétienne.
L’Inde constitue un cas exemplaire d’une dictature (1975-1977), née au sein des institutions constitutionnelles et morte à la suite d’élections normales.
Au Portugal, une dictature de gauche à base militaire faillit remplacer celles de Salazar (1938-1968) et de Caetano (1968-1974), mais des forces démocratiques militaires et civiles se désolidarisent du Mouvement des forces armées (MFA) et établirent un équilibre difficile entre les conquêtes du socialisme aux lourdes contreparties et une restauration conservatrice qui a du mal à assurer sa pérennité par un véritable redressement économique.
En Espagne, le rétablissement de la monarchie en 1975 et la personnalité du roi Juan Carlos Ier, a permis un retour à la démocratie qui a surpris les observateurs. Ce régime paraît assuré grâce à une sagesse qui serait quasi-générale si le terrorisme de l’ETA (Pays basque et libertés) ne continuait à sévir, sans oublier que la révolution économique espagnole s’est faite dans les 20 dernières années du franquisme et que celui-ci a voulu et préparé le retour du roi.
Ces exemples ont été cités pour souligner la diversité des situations et des évolutions qui expliquent les difficultés que l’on rencontre quand on veut élaborer une théorie générale de la « mort des dictatures ». Ce n’était d’ailleurs pas là le propos des auteurs qui est illustré par le rapport général de synthèse du professeur Léo Hamon, où il s’exprime ainsi : « Il y a donc bien une grammaire de la sortie des dictatures, même si des logiques variées, aux combinaisons complexes, sont aussi à l’œuvre : la logique de la lutte des classes… mais plusieurs autres logiques politiques… Je plaide pour la légitimité de l’abordage par la grammaire mais je me hâte de dire que cet abordage n’est pas le seul légitime ».
Un ouvrage au contenu riche et varié, qui mérite une lecture attentive, et alors pleine d’enseignements. ♦