Défense en France - La restructuration de l'Armée de terre se précise
Faisant suite à l’approbation définitive par le Parlement de la Loi de programmation militaire 1984-1988, la réorganisation de l’Armée de terre est entrée, au début de l’été 1983, dans une nouvelle phase à mesure que se précisaient les contours de la restructuration de nos forces et certaines précisions concernant leur dispositif et leur stationnement.
Objectifs et grandes lignes de la restructuration
Lors de son audition par la Commission de défense de l’Assemblée nationale, M. Charles Hernu, ministre de la Défense, a souligné les objectifs de cette réorganisation. « Il s’agit, tout d’abord, a-t-il dit, de mettre à la disposition du président de la République des forces terrestres qui par leur organisation, leurs moyens et leur dispositif, étendent au maximum les possibilités d’actions crédibles envisageables. »
Le système de forces construit dans les années 1970 apparaît en effet trop rigide et manquant de mobilité, freiné par une logistique à peine suffisante et difficile à manier en temps de crise. Maniement difficile en raison également de la liaison étroite entre les moyens nucléaires tactiques et les opérations terrestres.
C’est pourquoi il a été décidé de :
• créer une Force d’action rapide (FAR) d’un volume très significatif. Elle mettra en ligne 5 divisions et au total 47 000 hommes :
– une division parachutiste : l’actuelle 11e DP ;
– une division d’infanterie de marine : l’actuelle 9e Dima ;
– une division légère blindée : la 6e DLB issue de l’actuelle 6e DB ;
– une division aéromobile : la 4e DAem issue de l’actuelle 4e DB ;
– une division de montagne : l’actuelle 27e DA.
Cette force aura son PC à Saint-Germain-en-Laye.
Sa puissance de feu, notamment antichars, et sa mobilité méritent d’être illustrées par quelques chiffres : 5 régiments blindés comprenant 72 AMX-10 RC et 108 ERC-90 Sagaie tous aérotransportables, 24 VAB HOT et 492 Milan antichars armant 20 régiments d’infanterie.
Les 4 régiments d’hélicoptères de la FAR mettront en ligne 90 hélicoptères antichars, 30 hélicoptères d’appui-protection, 84 hélicoptères de manœuvre et 10 de liaison (n° 109 juin 1983 de Terre-Information).
Largement professionnalisée ou alimentée en volontaires service long (VSL) elle sera capable d’intervenir dans les délais les plus brefs en Europe ou dans les pays avec lesquels la France a conclu des accords d’assistance ;
• Créer une grande unité nucléaire regroupant les moyens nucléaires tactiques aériens et terrestres. Rattachés directement au Chef d’état-major des armées (Céma) ces moyens pourront agir, le cas échéant, de façon indépendante de la manœuvre de la 1re Armée. Toutefois les régiments de Pluton resteront au sein des corps d’armée. Une cellule de feux nucléaires tactiques doit être rapidement mise en place ;
• Restructurer la 1re Armée tout en rééquilibrant son dispositif et en concentrant sa puissance de feu blindé, en doublant le volume de son infanterie et en renforçant son artillerie.
Cette armée restera constituée de 3 corps d’armée alignant 10 divisions : 6 DB au lieu de 8 actuellement, 2 DI et 2 divisions basées sur les écoles. Elle comprendra :
– Le Corps d’armée Nord à Lille où sera transféré le PC de l’actuel 3e CA (Saint-Germain). Alignant 30 000 hommes, il sera constitué par trois divisions : la 2e DB, la 8e DI et une division école (issue de l’actuelle 15e) basée sur les écoles de l’Ouest et commandée par le général commandant l’école de l’Arme blindée de cavalerie (ABC).
– Le Corps d’armée Centre (32 000 hommes), PC à Metz. Il comprendra 4 divisions : 7e et 10e DB, 12e DI basée sur les écoles du Sud et commandée par le général commandant l’école d’application de l’infanterie à Montpellier, 14e DI.
– Le Corps d’armée Est (42 000 hommes), PC à Baden-Baden. Constitué comme actuellement par les 1re, 3e et 5e DB mais renforcé d’une centaine de chars et de 2 régiments d’infanterie stationnés en Alsace et en Lorraine. Compte tenu des forces aériennes françaises en RFA (République fédérale d’Allemagne) et de la garnison de Berlin, le volume de nos troupes constituant les FFA (Forces françaises en Allemagne) ne sera donc pas inférieur à 50 000 hommes.
Aux FAR et aux 3 corps d’armée, il convient d’ajouter les forces prépositionnées outre-mer (20 000 hommes) et les unités de réserve générale.
Conséquences du rééquilibrage du dispositif et de la réduction des coûts de fonctionnement
Dans son éditorial à Terre-Information du mois de juin 1983, le général Imbot, nouveau Chef d’état-major de l’Armée de terre (Cemat), souligne que les choix ayant présidé à cette restructuration ont été guidés par la volonté d’améliorer l’efficacité de nos forces mais aussi d’en réduire les coûts de fonctionnement. Cette réduction impliquant une diminution des effectifs de 22 000 hommes sur la période 1984-1988 est, dit-il, recherchée :
– par la compression des frais généraux de toute nature, ce qui fait supporter par l’environnement des forces une part importante de la réduction des effectifs ;
– par la révision des structures de certaines formations afin d’éviter la dispersion des moyens et la multiplication des unités de commandement et des services ;
– par le resserrement aussi de notre stationnement en métropole.
Cela conduit, a révélé M. Charles Hernu, à la disparition des 17 formations dont 5 d’infanterie, 2 d’ABC et à l’abandon de 9 garnisons en France et de 3 en RFA :
– Granville et Saint-Lô : le 1er Rima (1 400 h) les quitte pour être transféré à Angoulême. Cette perte sera en partie compensée par l’installation d’une formation de gendarmerie à Saint-Lô.
– Bonifacio et Corte : le 2e REI (1 050 h) les quitte pour être transféré dans le Sud-Est de la métropole en vue de la formation de la 6e DLB.
– Épernay : où le 34e Régiment du génie (1 720 h) sera dissous.
– Bar-le-Duc : d’où la Compagnie médicale (230 h) sera transférée à Lille.
– Montmédy : que le Groupement d’instruction du 10e RCS (Régiment de commandement et de soutien) quittera pour Mourmelon.
– Lons-le-Saunier : où le 60e RI sera dissous.
– Sète : d’où le 81e RI sera transféré à Montpellier.
– Allemagne : les groupements et transferts conduisent à l’abandon des garnisons excentrées à Bitburg, Friedrichshafen et Langenargen.
– 7 autres garnisons en France ou en RFA verront leurs effectifs réduits de 20 à 30 %.
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Rencontrant à Münsingen le 30 mai 1983 le président de la RFA venu assister à une démonstration des capacités des forces françaises, M. Charles Hernu affirmait le commun souci de paix et de sécurité qui animait les deux pays et il soulignait quelle contribution apporterait à cet objectif la réorganisation des forces terrestres décidée qui va permettre d’accroître leur puissance de feu, leur mobilité, et leur capacité d’intervenir à très bref délai, à l’endroit voulu et au moment choisi, hors de nos frontières.
Il est non moins incontestable que le rééquilibrage de la 1re Armée vers le Nord la met en mesure d’intervenir plus tôt et plus loin, accroissant ainsi la puissance, la portée et la rapidité de notre intervention aux frontières de l’Hexagone. Nos alliés ne peuvent que s’en réjouir sans que pour autant notre liberté de décision soit remise en question. ♦