Afrique - Nigeria-Cameroun : similitudes et dissemblances - Après le Liberia et le Ghana, la Haute-Volta tombe aux mains d'officiers populistes
Le Cameroun et le Nigeria se désintéresseraient de la lutte que se livrent les 2 tendances tchadiennes si les résultats de cette lutte ne devaient pas favoriser éventuellement l’expansion de l’influence libyenne en direction de l’Afrique centrale, en particulier s’ils ne craignaient pas une corrosion des structures existantes par l’idéologie libyenne. Une décomposition trop rapide de certaines structures régionales fondées sur un système traditionnel, déclencherait des crises nationales que ces deux États supporteraient difficilement car l’un et l’autre ont pu maintenir leur cohésion grâce à un équilibre assuré par une opposition de forces. Dans un premier temps, les deux puissances coloniales avaient organisé chacun de ces États pour que les populations du Nord moins émancipées atténuent, du poids de leur autorité conservatrice, les effets grisants de liberté que l’octroi de l’indépendance ne manquerait pas d’avoir sur les populations du Sud, traversées par des courants idéologiques contradictoires. Par la suite, les nordistes, conscients du déséquilibre qu’ils provoquaient en demeurant au pouvoir, eurent la sagesse de chercher comment transformer en véritables partenaires les « collaborateurs » sudistes qu’ils associaient à leur gouvernement pour des raisons techniques ; ils s’efforcèrent de choisir une ligne politique qui pût être appréciée par les populations du Sud et s’efforcèrent de limiter l’autorité des féodalités traditionnelles sur les populations du Nord. On atteignit alors, tant au Nigeria qu’au Cameroun, un état d’équilibre que consolida le développement économique. Toutefois, cette situation est fonction d’un compromis auquel sont parvenues les tendances opposées après de nombreux tâtonnements ; l’équilibre sera rompu si l’une de ces tendances estime que le fait d’avoir étouffé certaines aspirations régionales porte préjudice à l’ensemble de la nation et si, pour en convaincre ses partenaires, elle provoque une crise, ouvrant ainsi la porte, comme au Tchad, à l’escalade des interventions étrangères. Il n’est pas sans intérêt de comparer à ce propos l’évolution politique du Cameroun à celle de son voisin nigérian dont on sait que, toutes proportions gardées, les données de base sont similaires.
Ainsi que le Nigeria, le Cameroun connaît une division fondamentale, celle séparant les populations peules ou de type soudanais du Nord des tribus bantoues ou semi-bantoues du Sud. Toutefois, la séparation est moins nette au Nigeria qu’au Cameroun où la région septentrionale est coupée de la partie méridionale par un no man’s land de plusieurs centaines de kilomètres. La division ethnique et culturelle se double d’une division religieuse ; dans les deux cas, la classe dirigeante du nord est musulmane, tandis que la majorité de la population du sud est chrétienne. Toutefois, au Cameroun, l’islam enraciné ne dépasse pas le pays Bamoun à plus de 500 km de la côte, alors qu’au Nigeria, le pays Yoruba, voisin de Lagos, compte une minorité d’autochtones musulmans. À propos des provinces du Nord, il faut noter que, dans l’un et l’autre de ces États, les musulmans représentent une classe minoritaire dominant une population en majorité animiste et parfois même chrétienne ; en revanche, dans les provinces du Sud, le christianisme n’est pas toujours majoritaire mais il n’est pas associé, de manière systématique, à l’autorité des chefs coutumiers.
Au Nigeria comme au Cameroun, il existe, dans la partie méridionale, plusieurs types de population. Les Britanniques avaient accentué les différences en accordant à une ethnie privilégiée le droit d’imposer sa langue et sa culture à des populations moins dynamiques. L’autorité sur l’Ouest appartenait sans conteste aux Yorubas ; celle des Ibos était moins bien admise par les tribus côtières de l’Est, celles-ci devant pourtant s’incliner devant la représentation Ibo à l’assemblée régionale, le nombre imposant sa loi. Au Cameroun, il existait la même différence entre les Bamilékés et les autres ethnies importantes du sud, comme les Bassas, les Ewondos et les Boulous, mais les divisions administratives ne privilégiaient aucune ethnie. Toutefois, on ne peut s’empêcher de comparer l’expansion des Bamilékés, de la montagne vers la mer en suivant la zone fertile des terres noires du Mungo ou des plantations de l’ancien Cameroun britannique, à celle des Ibos cherchant à dominer une région qui se révélera être le secteur pétrolifère le plus prometteur de l’Afrique noire. La comparaison s’arrête à cette similitude : un peuple pauvre et prolifique qui cherche à s’emparer des terres qu’il juge disponibles dans une région plus riche et bien moins peuplée que la sienne.
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