Afrique - Éthiopie, Soudan : antagonistes tenus à se ménager l'un l'autre - Europe-Afrique : sur quelles bases seront renouvelés les accords de Lomé ?
Le temps s’est arrêté de couler au Tchad jusqu’à ce que – semble-t-il – l’Organisation de l’unité africaine (OUA), par une négociation qui ne s’enliserait pas, ait pu trouver une solution à la rivalité de MM. Goukouni Oueddei et Hissène Habré, rivalité qui paraît être, dans une certaine mesure, un affrontement indirect des présidents de la Libye et du Soudan et même, comme on peut aussi l’envisager, celui des deux grandes puissances mondiales. Quoi qu’il en soit, le président en exercice de l’OUA, M. Mengistu, chef de l’État éthiopien, est appelé à jouer dans cette négociation, le principal rôle et cela jusqu’au terme de son mandat. Il se trouve toutefois que l’Éthiopie et le Soudan, malgré la signature d’un accord en août 1982, n’ont pas totalement apuré un contentieux qui dure depuis les années 1960, époque où commencèrent la rébellion du Soudan méridional et celle de l’Érythrée sous domination éthiopienne ; en revanche, l’Éthiopie, la Libye et le Sud-Yémen ont signé, en août 1981, un traité de défense ; ce document paraît être destiné à renforcer les liens unissant, dans cette partie du monde, les pays qui subissent, avec plus ou moins de bonne volonté, l’influence soviétique. Il n’est certes pas appliqué à la lettre et ne comporte aucune clause que le gouvernement de Khartoum peut estimer dirigé contre lui. Cependant, si l’on tient compte de la répartition des aides, que reçoivent respectivement MM. Goukouni et Habré de la part d’États africains, et des engagements internationaux que ces aides sous-entendent, le chef de l’État éthiopien aurait quelque difficulté, selon certains, à conserver l’attitude objective qu’on peut attendre du président d’une organisation appelée à trouver des solutions de compromis.
Il n’existerait pas au Tchad d’affrontement de grandes puissances, d’États africains ou de personnalités tchadiennes si l’Histoire n’avait pas séparé, depuis la pénétration senoussiste, les habitants du Tibesti (Toubous) en 2 familles : les Tedas, réunis autour de leur chef spirituel, le Derdé, dans la partie la plus aride de la montagne, autour des agglomérations de Zouar, Bardai et Aouzou et demeurant dans la zone active d’un islam d’interprétation maghrébine ; les Dazas, qui ne parlent pas le même dialecte, sont plus sédentaires, s’ouvrent aux influences religieuses du Soudan et, partant, restent insensibles sinon hostiles, aux doctrines répandues par la Senoussia. Ils habitent les oasis plus fertiles du bas-pays (en particulier Faya-Largeau d’où est originaire Hissène Habré) et ont noué des liens économiques avec les musulmans de Biltine et d’Abéché, parents des Soudanais du Darfour et, comme eux, plus marqués par la négritude, dans leurs coutumes et leur culture, que ne le sont les habitants du « caillou » qui sont davantage formés aux usages maghrébins. On ne peut donc pas parler de « combat des chefs » tchadiens mais de troubles résultant d’un clivage fondamental des populations, clivage accentué par l’éloignement des noyaux de regroupement humain.
En revanche, on ne peut négliger la lutte que se livrent les présidents Nemeiry et Kadhafi depuis la mort du colonel Nasser, le Libyen désirant installer un pouvoir qui lui fût favorable à Khartoum afin que ses idées pénètrent dans la vallée du Nil et, par ce canal à forte densité populaire, atteignent le cœur de l’Égypte. Pour lui, à défaut d’un succès direct au Soudan, l’installation au Tchad d’un pouvoir qui lui serait favorable est une étape de sa politique d’autant plus souhaitable que ce pays pourrait également servir de base à l’expansion de l’idéologie libyenne dans la partie occidentale du Sahara et du Sahel. C’est pour cette raison évidente que la guerre civile du Tchad, qui aurait dû cesser après la neutralisation de la majorité noire du Sud, se perpétue grâce aux divisions culturelles des populations musulmanes du Nord et de l’Est, les Dazas admettant difficilement d’être subordonnés à une autorité politique dont ils craignent l’idéologie.
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