Institutions internationales - Nouvelle crise à Chypre - L'Union de l'Europe occidentale (UEO) et le Tchad - La CEE à la recherche d'un nouveau souffle
Le Honduras, le Salvador et le Nicaragua en Amérique centrale ; le Tchad, l’Angola, la Namibie et l’Éthiopie en Afrique ; le Liban, l’Iran et l’Irak au Moyen-Orient ; l’Afghanistan et la péninsule indochinoise en Asie… La carte des conflits montre que le monde vit dans un temps de profondes tensions, et que l’on ne peut taxer de pessimisme ceux qui, à l’image de M. François Mitterrand, pensent que 1984 sera une année difficile.
Certes, il est non pas impossible, mais fort peu plausible que les troupes soviétiques pénètrent en République fédérale d’Allemagne (RFA) ou que des missiles intercontinentaux soient lancés sur le territoire américain. Mais chaque conflit local ou régional peut s’aggraver en raison de la détérioration croissante des rapports Est-Ouest. La destruction du Boeing sud-coréen, le 1er septembre 1983, ne paraît pas annoncer un regain de tension en Extrême-Orient (où le voyage du président Reagan a confirmé la volonté du Japon d’accroître son potentiel de défense). L’intervention à La Grenade, à partir du 25 octobre 1983, a montré que les États-Unis n’entendaient pas laisser le communisme marquer de nouveaux points dans les Caraïbes. L’arrivée des premiers éléments des Pershing en RFA a été un échec pour le Kremlin, dont les appels au « pacifisme » n’ont pas atteint leur objectif : l’URSS s’est retirée de la Conférence de Genève sur les euromissiles, mais celle-ci reprendra vraisemblablement, sous une autre forme, liée peut-être à celle sur les engins intercontinentaux. C’est surtout la crise du Liban qui pourrait s’aggraver. Deux éléments nouveaux sont intervenus en novembre : l’attaque lancée contre Yasser Arafat par des dissidents palestiniens encouragés et aidés par la Syrie, la « disparition » du président syrien Hafez el-Assad, dont on se demandait si elle n’avait que des raisons médicales. Hafez el-Assad voulait une Organisation de libération de la Palestine (OLP) à sa dévotion, et il rêvait de faire du Liban une province de la « Grande Syrie ». Il ne pouvait se passer du soutien de l’URSS. Les réactions de la France et des États-Unis aux attentats perpétrés contre leurs soldats, le 23 octobre 1983, ont été limitées à ce qu’exigeait la prévention de nouveaux actes terroristes. Mais l’URSS doit chercher hors d’Europe une compensation à l’échec qu’elle a subi avec le début de l’installation des Pershing en RFA : elle pourrait être tentée de la trouver au Moyen-Orient, en dépit de la présence d’une importante force navale américaine au large de Beyrouth. La crise du Liban se situe ainsi au-delà du simple conflit régional.
Nouvelle crise à Chypre
« Je crois que la question de Chypre risque, à la longue, de causer à l’Otan un grave préjudice puisqu’elle rend difficiles les relations entre 3 membres de l’Alliance » : ce qu’écrivait le 16 juillet 1957 M. Paul-Henri Spaak, alors secrétaire général de l’Otan, au Premier ministre turc, M. Menderes, a gardé toute sa valeur. Le « préjudice » est même plus grave aujourd’hui qu’en 1957. La proclamation, le 15 novembre, d’une « République turque du nord de Chypre » a suscité de la part d’Athènes l’indignation à laquelle on pouvait s’attendre, d’autant qu’Ankara a immédiatement reconnu ce nouvel État. Elle aura des conséquences qui déborderont largement le problème chypriote lui-même. La décision de M. Raul Denktash, président de ce nouvel État, ne crée pas la partition de l’île, elle la consacre. Au-delà d’elle c’est, une nouvelle fois, tout le problème du bassin oriental de la Méditerranée qui se retrouve posé, aggravé d’un coefficient passionnel, alors que depuis l’été 1983 un certain dégel semblait améliorer les relations gréco-turques. L’île fut longtemps considérée comme un porte-avions britannique. Londres y a conservé 2 importantes bases, l’une au sud de Limassol, l’autre près de Famagouste, qui sont une pièce importante des dispositifs alliés. Ces 2 bases sont étroitement liées au système militaire turc et aux 4 bases américaines de Grèce (Illinikon et Nea Macri près d’Athènes, La Sude et Gournes en Crète). Le gouvernement grec a immédiatement dénoncé ce qu’il considère comme la « complicité » entre Washington et Ankara, ceci au moment où la célébration du 10e anniversaire du mouvement qui devait provoquer la chute du régime « des colonels » donnait à M. Papandreou l’occasion d’exalter le nationalisme grec contre la Turquie, 2 semaines après la ratification par le Parlement de l’accord renouvelant jusqu’en 1988 le bail des bases américaines. Les États-Unis ont besoin de la Grèce et de la Turquie. Ils ont condamné la création de la « République turque du nord de Chypre », mais ils n’envisagent pas un embargo comparable à celui qu’ils avaient imposé à la Turquie de 1975 à 1978, au lendemain de l’opération de 1974 : ils avaient dû y mettre fin car il avait affaibli l’armée turque à un tel point que celle-ci ne pouvait plus répondre à ce que l’Otan attendait d’elle. M. Papandreou a annoncé que la Grèce ne renouvellera « jamais » le bail des bases américaines, mais l’on pense que cette déclaration était à usage interne (la situation à Athènes est telle qu’un insuccès d’Andréas Papandreou aux élections européennes provoquerait des élections anticipées avant la fin de 1984). Il n’en demeure pas moins que cette nouvelle crise de Chypre réintroduit un facteur d’incertitude dans le problème déjà très complexe de la Méditerranée orientale.
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