Le Chef d'état-major des armées, qui est chargé de l'emploi des forces, dénonce l'erreur qui consisterait à nier la nécessité d'une défense sous prétexte que la menace militaire peut paraître moins identifiable et caractérisée que pendant la première moitié de ce siècle. La composition, l'organisation et la qualité même de nos Armées dépendent de l'idée que les Français se font d'une défense nationale moderne.
Pérennité et nécessité de la défense
Se préoccupe-t-on encore beaucoup de Défense Nationale en France ? Lors de la campagne électorale, elle ne fut pas au cœur du débat. Elle rencontre actuellement beaucoup d’indifférence, voire certaines formes d’hostilité chaque fois qu’elle apporte une contrainte à des individus ou à la collectivité. Est-ce à dire que cette notion est périmée et qu’il y a des raisons d’en réduire les conséquences à un moment où des perspectives nouvelles se présentent dans les rapports entre nations ? Ces nouvelles perspectives correspondent d’ailleurs à une défense nécessaire des potentiels économiques, financiers, monétaires et industriels que nous possédons ; défense d’autant plus durcie que la concurrence sera sans doute de plus en plus âpre et que des réformes sont inéluctables dans les domaines sociaux et humains.
Ces constatations méritent que l’on s’y arrête car elles ne pourraient manquer d’avoir, à la longue, de graves conséquences. Il faut rappeler que nos échecs de 1940 ont été le résultat d’une politique de paix à tout prix entretenant un climat de fausse sécurité, et d’une prise de conscience trop tardive de la menace pour qu’ait pu être changé l’état d’esprit de nos concitoyens. La perte du réflexe collectif de défense, déjà perceptible dans les années 1930, s’accentue aujourd’hui, semble-t-il, en Europe occidentale. Elle atteint les milieux jadis traditionnellement acquis aux nécessités et aux contraintes d’une défense efficace. Au mieux, l’armée — pour parler simplement — apparaît comme une prime d’assurance trop coûteuse et qui ne pourrait être que d’une utilité limitée en cas d’agression militaire, d’ailleurs jugée peu plausible. Au pire, c’est un héritage du passé, suranné et de surcroît dangereux car générateur de conflits. Cette attitude d’esprit paraît due au fait que, pour la plupart de nos concitoyens, la défense et les charges qu’elle entraîne ne seraient plus justifiées, comme naguère, par l’existence d’une menace militaire réelle. Jadis celle-ci était manifeste et se situait à nos frontières. Selon l’intensité avec laquelle elle était perçue, les pays consentaient plus ou moins à faire l’effort nécessaire pour se doter des moyens les plus appropriés pour y faire face. Bien plus, d’un strict point de vue militaire, la simplicité relative de cette situation pouvait conduire à définir à l’avance un concept de défense clair et précis, d’autant que la lente évolution des armements permettait, sans risque majeur, de fixer le niveau et la composition et l’équipement des forces nécessaires à la mise en œuvre de ce concept.
Cette période est révolue ; la menace n’a plus le caractère qui vient d’être schématisé, un nombre croissant de citoyens feint donc d’ignorer ce qu’elle est aujourd’hui. Cette attitude relève d’un comportement motivé par des préoccupations immédiates et concrètes ; en d’autres termes, elle consiste à nier l’existence du problème, alors que le monde n’a jamais recelé une masse d’armements aussi puissants, aussi diversifiés, aussi répandus et aussi constamment perfectionnés. Certes, si le statu quo actuel est maintenu, les menaces militaires directes aux frontières de nos pays d’Occident s’estompent. Il se peut même qu’au plan mondial, les situations risquant d’engendrer des conflits majeurs concernent davantage les Super-Grands que les pays de moyenne importance, comme le nôtre. Dès lors, il peut paraître logique à beaucoup d’admettre comme objectifs prioritaires le développement économique, l’accroissement du niveau de vie, la recherche du bien-être et d’un meilleur équilibre social.
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