Défense dans le monde - Système de navigation par satellite GLONASS, un concurrent du NAVSTAR ?
L’URSS, après avoir présenté à l’Union internationale des télécommunications (UIT) les plans du déploiement d’un système de navigation à l’aide de satellites, appelé GLONASS (Global Navigation Satellite System), a mis en orbite par un lancement unique, le 19 octobre 1982, les trois premiers satellites de ce réseau. Trois nouveaux satellites ont été lancés le 11 août 1983, puis trois autres le 29 décembre 1983.
Officiellement le système GLONASS est mis en place par le ministère des Postes et Télécommunications soviétique pour une durée de 15 ans. Mais, comme c’est le cas pour de nombreux systèmes, spatiaux en particulier, la défense pourrait en être l’utilisateur prioritaire.
Toujours selon les Soviétiques, ce système est développé pour la localisation des avions de l’aviation civile et des navires de pêche ou de la marine marchande. Il apparaît ainsi comme un concurrent du système américain NAVSTAR (Navigation Satellite Timing and Ranging).
Caractéristiques des deux systèmes
Caractéristiques orbitales
Les 9 satellites du système GLONASS déjà lancés, par groupes de 3, ont été placés sur des orbites circulaires à 19 100 kilomètres d’altitude, inclinées à 65 degrés sur l’équateur. Leur période est de 11 heures 17 minutes.
Le système complet se composera de 9 à 12 satellites situés dans 3 plans orbitaux espacés de 60 degrés et contenant chacun 3 ou 4 satellites.
Ces caractéristiques sont identiques à celles du système NAVSTAR (altitude 20 000 kilomètres, inclinaison 63 degrés) à l’exception du nombre total de satellites. Le système américain comprendra 18 (3x6) satellites. C’est le nombre minimum nécessaire pour avoir une couverture globale et permanente de la surface terrestre. Il faut, en effet, que 4 satellites soient visibles d’un mobile pour lui fournir sa position en trois dimensions (x, y, z), sa vitesse et le temps.
Le nombre de douze annoncé par les Soviétiques ne permet pas cette couverture sauf peut-être en abandonnant une dimension, vraisemblablement l’altitude z.
Caractéristiques techniques
Les satellites des deux systèmes émettront en bande « L » deux signaux diversifiés en fréquences (1230 et 1600 Mégahertz) pour corriger les erreurs de propagation dues à l’ionosphère.
Le système NAVSTAR émettra 2 signaux codés :
– le premier, chiffré, pour les utilisateurs militaires, l’erreur de localisation sera de moins de 20 mètres dans les trois dimensions et l’erreur sur la vitesse inférieure à 10 centimètres par seconde ;
– le deuxième pour les utilisateurs civils qui aura une précision dégradée vers 100/150 m pour ne pas être valablement utile dans le domaine militaire.
La précision de localisation et de vitesse que fournira le système GLONASS est inconnue, mais certainement meilleure que celle du système TSIKADA actuellement en service : analogue au système TRANSIT américain, il est donné pour 200/300 m.
Applications militaires
Des applications militaires, identiques à celles du NAVSTAR au profit des pays de l’Alliance atlantique, sont envisageables pour les pays du Pacte de Varsovie.
La plus importante concerne les missiles balistiques lancés de sous-marins (SLBM). En effet, dans l’ECP (Écart circulaire probable) à l’arrivée des têtes nucléaires, l’erreur de position au lancement a une part importante. Actuellement la navigation de ces sous-marins est sans doute recalée par la réception des signaux du système à effet Doppler TSIKADA, donc avec une erreur de 200 à 300 m. Si l’on suppose une précision de 50 m sur la localisation avec le système GLONASS, environ 150 m seront gagnés sur l’ECP final soit environ 20 à 30 % pour les SLBM soviétiques les plus récents. Cette précision accrue augmente le choix des objectifs potentiels et en conséquence les possibilités stratégiques de l’URSS.
D’autre part, une précision de quelques dizaines de mètres en localisation et de quelques dizaines de centimètres par seconde sur le vecteur vitesse permettront une amélioration considérable des performances de nombreux systèmes d’arme ; par exemple la navigation basse altitude des missiles de croisière ou la précision d’impact des missiles armements d’appui feu. Mais cette précision tient essentiellement à la qualité des horloges atomiques placées à bord des satellites.
Les Américains utilisent des horloges au césium ou au rubidium dont la précision atteint 10-13. Celle-ci semble élevée ; mais une journée correspond à 86 400 secondes soit 105 s pour 28 heures environ. Au bout de ce temps l’erreur sera de 10-13 x 105 = 10-8 s. À la vitesse de propagation des ondes hertziennes (300 000 km/s) le décalage sera de 3 m !
Le maintien de la précision nécessite alors un recalage quotidien. Si la précision de l’horloge n’était plus que de 10-2 ce décalage serait de 30 m, ce qui obligerait à des remises à l’heure toutes les 3 h, opération pratiquement impossible avec des satellites
à défilement.
Il semble peu probable que l’URSS dispose actuellement d’horloges de cette précision (10-13) et capables de supporter le lancement (ses accélérations et ses vibrations), le vide spatial et les contraintes thermiques. Aussi est-il plus vraisemblable que les Soviétiques cherchent à réaliser un système dont la précision initiale ne sera réellement satisfaisante que pour les utilisations civiles.
Par la suite, avec les progrès dans cette technologie, la précision pourra atteindre le niveau nécessaire aux applications militaires.
Applications civiles
L’Union soviétique possède une flotte marchande et de pêche considérable (plus de 12 000 unités) pour laquelle un système de navigation national, donc sûr et conduisant à des équipements uniformes, est d’un intérêt majeur. Pour son aviation civile, bien que l’infrastructure de navigation actuelle soit sans doute suffisante, sa standardisation à terme sera bénéfique.
Sur le plan international, le signal dégradé du système NAVSTAR ne sera accessible qu’avec un décodeur miniature placé sur les récepteurs. Pour amortir les dépenses engagées par le DOD (Department of Defense) celui-ci demanderait une redevance pour la délivrance annuelle de ce décodeur.
Les Soviétiques pourraient offrir ce même service gratuitement, ce qui intéresserait très vite les pays satellites et ceux du Tiers-Monde. Ce groupe d’utilisateurs pourrait ensuite peser sur l’ICAO (International Civil Aviation Organisation) ; ou OACI (Organisation de l’aviation civile internationale), pour l’adoption de ce système en remplacement des VOR/DME (VHF Omnidirectional Range/Distance Measuring Equipment) actuellement en service.
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Après le système TSIKADA, l’URSS développe un nouveau système de navigation par satellites, GLONASS, analogue au NAVSTAR.
S’il peut se présenter sur le plan international comme un concurrent du système américain, son intérêt national est aussi très important.
Dans le domaine militaire, il semble douteux que des utilisations opérationnelles soient possibles avant la fin de la décennie car, pour des raisons techniques, la précision de position et de vitesse est sans doute insuffisante.
Si l’URSS poursuit un objectif international, des récepteurs destinés aux utilisateurs étrangers apparaîtront.
Toutefois les deux systèmes ont en commun le défaut majeur d’être totalement entre les mains de leurs réalisateurs respectifs : ceux-ci peuvent donc exercer des contraintes sur des utilisateurs étrangers en modifiant sélectivement le chiffrage qui permet l’acquisition des signaux. ♦