Défense à travers la presse
Une remise en cause des stratégies nucléaires : c’est à coup sûr le thème qui a dominé la controverse au cours du mois de mars 1984 et c’est, du reste, le titre même d’un long article de Michel Tatu dans Le Monde du 27 mars. Notre confrère y fait le point sur ce qu’on a appelé la « guerre des étoiles » à la suite d’un éditorial de La Pravda sur ce sujet. Mais cette remise en cause du nucléaire a aussi été examinée à partir du livre du général Copel, ancien sous-chef d’état-major ayant démissionné en mars 1984, Vaincre la guerre. On verra enfin comment le Tiers-Monde se place désormais face aux grandes puissances dont il fut jadis les colonies.
Abordons ce débat par l’étude de Michel Tatu. À ses yeux la mise en place d’un véritable bouclier antimissiles est déstabilisatrice et probablement inefficace. Déstabilisateur aussi bien dans la confrontation entre les deux « supergrands » que pour la cohésion de l’Alliance atlantique ; inefficace car toute contre-mesure appelle à son tour des contre-mesures. C’est pourquoi, conclut Michel Tatu :
« Il est illusoire de penser pouvoir se protéger contre toute menace nucléaire. Il faudra vivre avec la bombe (ou avec toute autre arme encore plus moderne de destruction massive), tout simplement parce que la science ne peut pas revenir sur la conquête qu’elle a donnée à l’homme en lui permettant de détruire la Planète. Et aussi parce que la notion de protection n’évacue pas celle de punition déjà présente dans toutes les stratégies antérieures et que la dissuasion avait revalorisée… Les armements antimissiles ne seront donc jamais complètement efficaces et ils sont de toute manière déstabilisants, mais ils seront créés tout de même, tout simplement parce que l’évolution des sciences et des techniques a toujours eu le pas sur celle des idées politiques et que, paradoxalement, la grande peur nucléaire tant répandue par les pacifistes ne peut qu’encourager les tendances à la protection, donc cette nouvelle étape dans la course… Ajoutons que les deux Superpuissances y voient, sans le dire, un moyen de maintenir la prépondérance de leur arsenal face à celui des puissances montantes, de rester « grands » au milieu des « petits ». Cela étant, l’Europe en général et la France en particulier sont directement mêlées au débat en cours… Sans doute la France n’a-t-elle aucun intérêt à voir les deux Grands se hérisser de barrières défensives, ce qui réduit d’autant la valeur de sa force de dissuasion, mais puisqu’ils le font de toute façon, comment pourrait-elle rester à l’écart ? »
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