Afrique - Afrique australe : brèches dans la « ligne de front » - Sékou Touré ou le complot comme méthode de gouvernement
La tactique du régime sud-africain, qui consiste à contraindre ses voisins à la défensive afin qu’ils soient amenés à le reconnaître et qu’ils n’apportent plus leur soutien à ses ennemis intérieurs, paraît avoir réussi, au moins en partie. Le gouvernement du Mozambique a consenti à négocier avec Pretoria, puis il a signé un accord avec un pouvoir dont il n’avait jamais accepté la légitimité. Ce seul fait est très important ; l’événement peut être considéré comme une victoire de M. Botha, le Premier ministre sud-africain. Toutefois, le contenu de l’accord sera difficile à respecter, d’un côté comme de l’autre, puisque les activités des mouvements concernés ne dépendent pas exclusivement des gouvernements signataires. Ces mouvements pourraient éventuellement s’appuyer sur des forces moins décelables : l’ANC (Congrès national africain, interdit en Afrique du Sud), parti plus ancien que le FRELIMO (Front de libération du Mozambique), et la RNM (1) ont développé, avec le temps, leur autonomie et affichent des exigences que leurs protecteurs respectifs auront sans doute du mal à contenir.
Avec le Mozambique, l’Afrique du Sud a signé un « pacte de sécurité » (2) impliquant donc une certaine neutralisation de l’ANC et du RNM. Avec l’Angola, la négociation n’a pas été un face-à-face (3) et n’a pas abouti à des décisions aussi nettement formulées. Il semble que Pretoria ait consenti à quitter le « glacis protecteur » que son armée occupait, en Angola, dans la vallée de la Cunene, où se trouve le barrage alimentant en eau le Nord de la Namibie ; en échange, s’ouvrirait éventuellement et ultérieurement d’autres conversations pouvant conduire à l’évacuation des troupes cubaines de l’Angola, évacuation que Pretoria continue à exiger comme préliminaire à des discussions sérieuses sur l’indépendance de la Namibie. Le « cessez-le-feu » n’engage donc, pour l’instant, que les gouvernements de l’Angola et d’Afrique du Sud ; la SWAPO (Organisation du peuple du Sud-Ouest africain, parti politique namibien) et l’UNITA (Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola) demeurent libres de leurs activités, néanmoins, la position conciliante de Pretoria implique que ses diplomates feront valoir, au moment opportun, l’argument suivant : puisque l’on estime que la SWAPO doit nécessairement participer à toute conférence sur l’indépendance de la Namibie et au gouvernement de ce futur État, il faut admettre, en retour, que l’UNITA qui, selon les Sud-Africains, représente l’ethnie la plus importante d’Angola et dont les forces circulent aisément sur une bonne moitié du territoire angolais soit associée, d’une manière ou d’une autre, au gouvernement de la capitale angolaise Luanda. De plus, qu’un parti, qui ne s’est exprimé que par la violence, soit admis d’office à des négociations internationales rendrait légitime, selon eux, la présence, à ces mêmes discussions, de tout parti qui affirmerait représenter une tendance de l’opinion namibienne, même si ce parti n’avait pas encore de poids électoral. Dans ce domaine, M. Botha, semble-t-il, ne se prêtera à aucun arrangement : il estime sans doute que la concession extrême pourrait être la promesse de l’évacuation des forces sud-africaines de Namibie en échange du retrait préalable des militaires cubains d’Angola. Pour l’heure, il n’accepte que de replier son armée du secteur qu’elle occupe dans le sud de l’Angola comme un signe de bonne volonté ; il fait ce geste contre l’engagement implicite, mais non publiquement formulé, que Luanda étudiera le moyen de mettre un terme à la protection cubaine et contrôlera les activités de la SWAPO.
Le « recul » de l’Angola apparaît donc comme moins important que celui du Mozambique puisque rien d’essentiel n’a encore été cédé par le gouvernement de M. Dos Santos et que les négociations restent indirectes par l’entremise zambienne, et demeurent complexes. Son amorce est toutefois significative ; elle ne peut s’expliquer que par la passivité de l’opinion africaine, par les difficultés que rencontrent les pays de la « ligne de front » et par l’aggravation de la situation intérieure des deux anciens territoires portugais.
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