Revue des revues
• La revue américaine Strategic Review dans son numéro d’hiver 1984, contient un article sur l’évolution de la stratégie nucléaire des États-Unis, dont les auteurs sont MM. Léon Sloss et Marc Dean Millot.
La thèse de ces deux auteurs est que, depuis 1960, la stratégie américaine s’est éloignée de la dissuasion par menace de représailles massives sur les villes pour aller vers des ripostes en rapport avec les agressions potentielles. La stratégie « compensatoire » (countervailing strategy) s’est ainsi formée à partir du discours de Robert McNamara, ancien secrétaire à la Défense des États-Unis, à Ann Arbor (Michigan) en 1962, où il a suggéré une stratégie antiforces, le but de toute stratégie étant « la destruction des forces militaires de l’ennemi, non celle de sa population civile ». Il en est résulté le concept de la « riposte graduée » (flexible response), mais depuis le début des années 1960 une partie importante des forces stratégiques américaines a une mission antiforces. Pour calculer les moyens nécessaires, McNamara s’est servi de la « destruction assurée » (MAD) en tenant compte du « cas le plus défavorable », d’où une marge de supériorité qui a longtemps permis aux États-Unis de pouvoir choisir des options laissant intacts les moyens de destruction assurée, ceux-ci étant de moins en moins aptes aux missions antiforces.
Le président Nixon, en 1971, a repris le thème de la souplesse d’emploi, marquant ainsi le retour de la stratégie déclaratoire américaine vers les concepts de « riposte graduée » et d’antiforces. Le public a peu remarqué ce changement parce qu’il n’y a pas eu de mutation dans les matériels en raison des discussions en cours avec les Soviétiques. Beaucoup ont conclu des accords SALT (Traité de limitation des armes stratégiques) que les deux superpuissances acceptaient le concept de « destruction assurée », ce qui s’est plus tard révélé inexact pour l’Union soviétique. La force du concept de « destruction mutuelle assurée » réside dans sa simplicité, mais sa faiblesse est apparue quand l’arsenal soviétique s’est développé. On a alors craint de voir la stratégie de dissuasion anticités tourner dans nombre de cas à de l’auto-dissuasion, d’où en 1975 le National Security Decision Memorandum 242 (NSDM 242) exprimant la doctrine Shlesinger, du nom du secrétaire à la Défense sous la présidence de Nixon, dont le premier élément est « la maîtrise de l’escalade », des options d’emploi limité des armes nucléaires pouvant permettre de traiter au niveau convenable toute agression soviétique en prenant des forces comme objectifs. Vient ensuite la notion de « force de réserve sûre », cette force ayant une capacité de survie très élevée et devant être gardée pour assurer la fin des hostilités. Le NSDM 242 spécifiait d’ailleurs qu’en cas d’escalade incontrôlée les États-Unis utiliseraient leurs forces disponibles pour détruire l’industrie soviétique et ainsi empêcher les Soviétiques de se rétablir.
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