Aéronautique - Simulateurs et aviation de combat (suite)
Après avoir décrit les orientations nouvelles de la simulation dans l’aviation de combat, nous présenterons l’état de l’art actuel et les matériels en service ou à venir dans l’Armée de l’air.
Contraintes technologiques
La création d’un environnement visuel est la clef de voûte de toute simulation.
Les systèmes de visualisation se répartissent en 2 catégories principales :
– la visualisation calculée par ordinateur, selon une technique de génération synthétique d’images,
– la visualisation par maquette et télévision en circuit fermé.
La 1re méthode s’impose progressivement, car elle offre des possibilités particulièrement prometteuses, grâce au développement des capacités de calcul instantané des ordinateurs. Un calculateur reconstitue en temps réel sur un ou plusieurs tubes cathodiques ou sur une sphère « écran » une image présentée au pilote à partir de données numériques, contenues dans la mémoire du calculateur.
Comme la difficulté va croissant avec la quantité d’informations contenue dans une image, les premières réalisations en matière de visualisation calculée, ont concerné les visualisations crépusculaires, dites « de nuit ».
L’extension du principe aux visualisations dites « de jour », beaucoup plus riches en informations, et demandant de ce fait une très forte capacité de calcul instantané fait l’objet des recherches actuelles.
Une impression de manque de relief caractérise les visualisations de jour actuelles, à cause d’une richesse insuffisante de l’image. D’autres difficultés sont apparues : les problèmes posés par la numérisation des images, nécessaire pour créer une image détaillée et introduire ainsi une notion de « texture » des surfaces et de relief ; enfin il est impératif d’éviter le phénomène de traînage de l’image ; il faut en effet que sa vitesse de renouvellement soit au moins égale à la vitesse de perception de l’œil. Les projets actuels visent à donner au pilote une ambiance visuelle quasi totale.
L’environnement tactile recouvre les mouvements ressentis par certaines parties du corps et ceux auxquels il est soumis dans son ensemble. Grâce à l’utilisation conjointe de mouvements cabine (6 axes de liberté), d’un pantalon anti « G » actif, et d’un siège à simulation d’accélération ou G seat, la qualité des sensations de mouvement est excellente et son association avec une visualisation à grand champ est très efficace pour un simulateur de combat.
Un G seat comporte plusieurs cellules gonflables ou actionnées hydrauliquement, qui forment le dossier et le siège du pilote.
Perspectives d’emploi
L’introduction de tels systèmes ouvre des perspectives immenses, et encore mal explorées, à l’aviation de combat.
Outre leur utilisation traditionnelle, développée précédemment, ils permettent de reproduire de vraies missions de guerre équivalentes, avec, entre autres, la représentation de tous les moyens de guerre électronique. Permettant de représenter les performances de tous les types d’appareils étrangers, il ouvre des horizons, auparavant inaccessibles, dans le développement des méthodes de combat, et l’étude de tactiques des plus réalistes, l’optimisation du choix des armements dans des cadres tactiques complexes, et beaucoup d’autres avantages.
Conjointement à cette démarche, se sont développés d’autres systèmes complémentaires dans le domaine de la restitution des vols réels. Conçus à partir de l’enregistrement de trajectographies comparées, ces systèmes permettent de valider cet entraînement ; leur intérêt tactique et pédagogique fait l’unanimité des intéressés.
Matériels en service ou à venir
Avec l’arrivée des matériels de nouvelle génération, que sont le F1-CR, le Mirage 2000DA et le 2000N, l’Armée de l’air s’est orientée vers le développement de la visualisation synthétique. Sont aujourd’hui acquises en France les images de nuit complexes, et les images de jour simples. Les images de jour complexes sont en cours de mise au point.
Le simulateur F1-CR permettra l’exécution de missions de reconnaissance VMC (Conditions météorologique de vol à vue) et IMC (Vol aux instruments) avec utilisation complète des capteurs associés, et simulation des images radars. Pourvu d’un mouvement cabine, et d’un visuel jour sur écrans cathodiques (champs de 120 ° sur 30 °), il utilisera des bases de données normalisées réelles de terrain numérisé des zones de travail de la 33e Escadre de reconnaissance. Il doit être opérationnel en décembre 1984.
Le simulateur Mirage 2000N devra permettre l’instruction et l’entraînement des équipages pour la mission de pénétration tout temps, avec tir du missile ASMP (Air-sol moyenne portée). En découlent les caractéristiques suivantes :
– vrai biplace, et non-éclatement du simulateur en 2 cabines,
– visuel grand champs (230 ° sur 80 °) avec concordance entre image radar et visualisation sol.
Les possibilités d’un simulateur en matière d’entraînement à très basse altitude sont évidemment liées à la qualité de son visuel : les images centrales, détaillées, devront permettre le recalage et le travail tête haute, les images latérales devront être suffisantes pour donner les impressions de défilement et d’altitude, et présenter des événements perturbateurs ou des menaces.
Ce simulateur est en cours de définition ; son visuel sera projeté sur écran ; un visuel sur tube cathodique de type FICR serait trop limité en champ et ne serait pas visible de la place arrière ; sa qualité devrait permettre l’entraînement au suivi de terrain TBA (Très basse altitude) à grande vitesse.
La transformation des pilotes de la 2e Escadre sur Mirage 2000DA se déroule dans le cadre du centre d’entraînement au combat de Mont-de-Marsan. Un entraîneur sophistiqué, baptisé Daisy est en service depuis janvier 1984. Destiné à familiariser les pilotes avec les commandes, les logiciels et la symbologie du SNA (Système de navigation et d’attaque) du Mirage 2000DA, il comporte une console pilote, avec une visualisation cathodique tête haute et tête basse : celle-ci est animée en temps réel par un environnement ergonomique simplifié mais réaliste (manche pilote, manette des gaz, commandes SNA).
Du point de vue pédagogique, Daisy s’est révélé être un outil remarquablement efficace et bien adapté.
Parallèlement à cette instruction, le simulateur Mirage 2000DA permettra lui l’entraînement complet à la mission défense aérienne avec situation complexe (5 avions), combat à vue avec utilisation de l’armement, et possibilité d’animation tactique en temps réel, à partir du poste instructeur. Il sera pourvu d’un visuel par projection sur sphère, avec 2 cibles visibles, aux performances relatives de diverses menaces, pilotées par programme ou à l’aide d’un mini-manche. Sa mise en service prévue est octobre 1984.
Enfin le simulateur d’entraînement au combat de Mont-de-Marsan, doté de 2 puis 3 sphères écrans permettra dès décembre 1984 le combat F1 contre F1, puis dans une 2e phase F1 contre Mirage 2000 ou Mirage 2000 contre Mirage 2000, enfin dans une dernière phase les simulations de combat à 2 contre 1.
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Alliés aux moyens de restitution réelle, ces systèmes de simulation en cours de développement concourent ainsi à permettre le nécessaire épanouissement d’un très haut degré de qualification des équipages, seule réponse possible à la complexité croissante du fait aérien moderne.
C’est le complément nécessaire à un entraînement en vol indispensable, que la majeure partie des pays européens ont dû réduire à un strict minimum ; aucun système, fut-il des plus sophistiqués, ne peut en effet remplacer l’expérience du vol. ♦