Aéronautique - La télédection spatiale
Le 4 octobre 1957 l’Union soviétique lançait Spoutnik 1. L’ère des satellites commençait, les applications spatiales allaient suivre. On peut classer celles-ci en 2 grands volets : le 1er englobe la transmission d’informations sous diverses formes, telles les télécommunications et la télédistribution ; le 2nd est constitué par l’observation de la terre : la télédétection.
L’observation commence en 1960 avec le lancement par les Américains d’un satellite météo (TIROS) en orbite polaire qui transmet des images de type télévision. Les Soviétiques lancent en 1962 leur 1er satellite militaire de reconnaissance photo (COSMOS 4) dont les films sont récupérés dans des capsules éjectables tous les 3 jours.
Depuis ces 1res réalisations, les systèmes se sont perfectionnés au niveau des capteurs embarqués, des méthodes de transmission et de traitement des informations recueillies. Ces perfectionnements font prendre peu à peu conscience au monde entier des innombrables possibilités offertes par la télédétection spatiale qui s’applique à des disciplines aussi variées que : la météorologie, l’océanographie, la glaciologie, la climatologie, la géologie, la cartographie, l’écologie végétale, l’agronomie, l’hydrologie, l’aménagement du territoire, l’évaluation des ressources terrestres, sans oublier les applications militaires, politiques et économiques.
La télédétection commence vraiment en 1972 avec le lancement du 1er satellite automatique d’observation de la terre : ERTS, rebaptisé par la suite Landsat. Tel qu’il a été conçu et exploité, Landsat fournit des données d’observations auxquelles tout le monde peut avoir accès, ceci pour respecter la politique déclarée des États-Unis de « liberté des cieux » : à savoir que les données obtenues à l’aide de systèmes spatiaux doivent être mises à la disposition de tout demandeur à un prix modique. Mais ceci débouche sur un aspect politique. En effet le client n’a pas accès directement aux images, mais aux informations qui peuvent en être extraites suite à des opérations de traitement qui nécessitent un matériel très sophistiqué et des spécialistes hautement qualifiés ; de sorte qu’une coopération obligatoire doit s’instaurer entre le pays photographié demandeur, et le preneur d’images.
Les capteurs embarqués
Les premiers capteurs utilisés ont été des appareils de photographie classique utilisant des films, périodiquement éjectés dans des capsules et récupérés sur terre. Procédure longue et complexe, les clichés n’étant disponibles que tous les 2 ou 3 jours. Les capteurs suivants, de type caméra de télévision, offraient l’avantage de la transmission des informations mais nécessitaient la construction de stations de réception. Avec le progrès technologique les capteurs sont devenus très sophistiqués. Leur évolution s’oriente dans deux directions complémentaires :
– la 1re se base sur des instruments de prise de vue travaillant dans le visible et l’infrarouge à l’aide de systèmes à balayage multispectre. Mais ceux-ci sont tributaires des conditions nuageuses et atmosphériques ;
– la 2nde se base sur l’utilisation des ondes millimétriques par les « radars à ouverture synthétique ». Ceux-ci ont la capacité de percer les couches nuageuses et fonctionnent aussi bien de nuit que de jour.
Ces nouvelles techniques vont conduire à des systèmes de plus en plus complexes. de grande taille, ayant besoin de beaucoup d’énergie et fournissant des flots de données considérables. L’utilisation de plates-formes nouvelles est inévitable, plates-formes capables de fournir une énergie importante et de stocker, de compresser et de retransmettre les informations recueillies.
Les systèmes de réception
Pour recevoir toutes ces données, on dispose jusqu’à présent d’un certain nombre de stations de réception réparties sur la surface du globe et de quelques centres de traitement. Cela est suffisant tant que le volume de données reçues et exploitées reste relativement modeste ; mais les nouvelles techniques sont capables de fournir des informations, qui ne sont valables qu’à condition d’être reçues et exploitées en un temps très court (quelques heures). D’où la nécessité de pouvoir recevoir à tout instant ces informations (apparition de la notion de « temps réel »).
Il est alors envisageable de mettre en place un réseau de satellites relais, géo-stationnaires, par lequel transiteront les données en provenance des satellites d’observation de la terre à défilement continu. Ces communications intersatellites sont tout à fait possibles et se traduisent par la mise en place d’un tel réseau par les États-Unis : programme TDRS (Tracking and Data Relay Satellite), et par les premières études par la France d’un programme analogue : programme Star.
Les informations étant recueillies il faut les traiter, les exploiter et les diffuser. Le volume de données est tel que le traitement et l’exploitation ne peuvent avoir lieu qu’avec l’aide de puissants calculateurs qui sont seuls capables d’extraire les données essentielles. L’évolution doit se faire obligatoirement aussi au niveau de l’archivage et de la distribution des données.
Mais celle-ci risque de remettre en cause le principe du libre accès aux informations spatiales. En effet, l’évolution de la télédétection va permettre d’obtenir des données qui vont peser d’un plus grand poids politique, économique et militaire qu’auparavant :
• Politique, car les pays demandeurs sont tributaires des pays fournisseurs qui peuvent facilement avoir la tentation de garder pour eux certaines informations. Faut-il reconnaître alors aux dirigeants des zones observées un droit exclusif sur les données concernant leur territoire ? Ou bien ce droit doit-il être celui des États ou des compagnies privées qui vont gérer et vendre les informations ? Il va donc falloir mettre au point une réglementation qui pour l’instant n’existe pas.
• Économique, car il est utile à certains États de savoir, par exemple, quand la récolte de céréales de l’Union soviétique risque d’être insuffisante. De même la connaissance de mauvaises récoltes à venir peut permettre à un pays de faire la différence entre un approvisionnement suffisant et la famine.
La connaissance des ressources minières et autres ressources naturelles, peut permettre à des compagnies étrangères de négocier des contrats dans des conditions avantageuses. Chaque fois que des grands travaux seront susceptibles de modifier l’équilibre d’une région, il apparaîtra important d’en demander le cliché spatial ; cela représente une clientèle d’une importance considérable. Les satellites donnent des régions une vue incomparable pouvant servir à l’aménagement des territoires industrialisés et à l’organisation des pays en voie de développement.
• Militaire, car jusqu’à présent les militaires ont imposé des limites à la résolution au sol des images qui peuvent être obtenues librement sur le marché, ceci afin de préserver les renseignements concernant leur propre territoire. Mais les nouvelles résolutions civiles à venir (telle Spot – Satellite probatoire d’observation de la Terre – pour la France : 10 mètres de résolution) vont concurrencer celles des systèmes militaires et ainsi fournir des informations faisant partie du domaine du renseignement militaire : recensement du potentiel, surveillance des activités, vérification de l’observation des traités, etc.
Pour toutes ces raisons, les nations européennes, et la France en particulier, doivent impérativement se doter des systèmes de télédétection, afin de conserver leur liberté d’action dans des domaines cruciaux et se trouver au premier plan dans le fabuleux marché commercial qui va naître dans les années 1990-2000.
Pour l’instant la France se propose de mettre en œuvre des techniques d’avant-garde dans le programme civil Spot, mais l’échéance concernant la mise en service d’un satellite militaire français d’observation (Samro, Satellite militaire de reconnaissance et d’observation) n’est toujours pas définie. C’est pourquoi il sera nécessaire, dans un premier temps, de se servir des enseignements qui seront recueillis par SPOT afin d’en faire bénéficier le programme Samro futur et ainsi ne pas prendre trop de retard sur les autres grandes puissances.
La France s’est dotée des moyens technologiques (lanceur, plate-forme, capteurs) nécessaires à la réalisation de ce programme, c’est la marque de l’intérêt et de la volonté du pays pour cet immense projet. ♦