Les péripéties de l’union égypto-libyenne se comprennent mieux si on les replace dans le cadre général de ce que l’auteur appelle l’ère post-nassérienne. Celle-ci n’affecte pas seulement l’Égypte mais se répercute dans l’Orient arabe tout entier. L’un de ses traits majeurs consiste dans le déplacement de l’axe stratégique du Canal vers le Golfe. C’est en effet vers cet Eldorado du pétrole que se portent les visées des puissances qui détiennent en fait la clef du conflit israélo-arabe dont l’Égypte doit lever l’hypothèque.
L'ère post-nassérienne dans l'Orient arabe
Dès le soir du 28 septembre 1970, il était évident que la disparition soudaine de Gamal Abdel Nasser marquerait, dans l’histoire du monde arabe, une profonde coupure. Mais l’empreinte imprimée à la vie politique de la région par sa puissante personnalité, et par le mythe qui s’était créé autour d’elle, allait-elle rapidement s’effacer ? Trois ans plus tard, il semble en effet que les traits de « l’ère post-nassérienne » se dessinent dans l’ensemble de l’Orient. Et, en Égypte même, une mutation fondamentale a été réalisée dans les mois qui ont suivi la mort du Raïs.
L’effacement du nassérisme en Égypte.
Dès son entrée en fonctions, M. Anouar as Sadat opère un certain nombre de modifications de structures, qui le concernent personnellement. Il diminue ses attributions : il renonce à exercer, en même temps que la présidence de la République, la direction du gouvernement, ainsi que le secrétariat général de l’Union Socialiste Arabe, dont il ne conserve que la présidence formelle. Mais il accroît et diversifie ses moyens d’action, en multipliant les relais d’autorité : création de vice-présidences de la République ou du gouvernement, institution de grands ministères contrôlant plusieurs Départements, et, en fin de compte, attribution de postes de « conseillers présidentiels », qui lui permettent de s’éclairer et d’opérer personnellement en certains domaines de politique générale sans empiéter sur les responsabilités précises du cabinet. En outre il manifeste aussitôt, sans d’ailleurs que suivent toujours des réalisations claires, quelques intentions libérales, dont l’effet est du moins que certaines questions naguère encore réservées peuvent être posées par des membres de l’Assemblée Nationale à la tribune de celle-ci (1).
Mais il apparaissait d’emblée qu’Anouar as Sadat ne pouvait être un autre Gamal Abdel Nasser. Qu’il l’ait aussitôt compris lui-même et se soit comporté en conséquence, qu’il ait cependant souhaité que l’indispensable mutation se fît progressivement, et avec le moins de heurts possible, cela devrait plutôt, nous semble-t-il, être porté à son crédit d’homme, et d’homme d’État.
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